Qui ne connaît pas Tim Burton à présent ? Le réalisateur originaire de Burbank, "la capitale mondiale des médias", a su dès ses premiers essais se distinguer par un talent authentique et nouveau. En effet, Burton s'est démarqué d'emblée de la "normalité" du show-business avec un style intimiste, sombre et poétique, tout droit inspiré de l'oeuvre d'Edgar Allan Poe. Ainsi, devenu reconnaissable parmi tous, il su concilier succès critique et commercial avec des œuvres notoires, originales ou adaptées. Batman, Sleepy Hollow, Beetlejuice ou encore Edward aux mains d'argent, le réalisateur s'est construit une notoriété de béton avec un style dont il est le seul précurseur, marquant de sa patte authentique toute une génération de spectateurs.
Malheureusement, son succès s'est peu à peu estompé avec des films de commande, tout droit imposés des plus grosses maisons de production, nécessitant des budgets conséquents. Sa liberté créative en a pris un coup, tout comme sa notoriété, le cinéaste devenu davantage un simple faiseur d'images plutôt qu'un auteur. Avec Big Eyes, Burton saisit l'opportunité de renouer avec son univers intimiste avec, déjà, un budget bien moins conséquent que pour ses précédents travaux, signe d'une liberté créative bien plus importante. L'histoire vraie d'une authentique peintre qui s'est vue voler la célébrité par son pourri de mari. Pas non plus de quoi espérer un vrai retour au sources, Big Eyes rassure pourtant sur bien des points.
Le sectateur y retrouve notamment certaines thématiques chères à Burton. L'histoire d'une personne de talent, aux valeurs morales honorables, incomprise du monde qui l'entoure, telle est celle de Margaret Keane, peintre américaine ayant marqué toute une génération grâce à ses peintures de personnages aux grands yeux écarquillés, volée de sa singularité par un mari manipulateur et ambitieux. Burton développe à merveille l'intrication de ses personnages, aidé par les surprenantes prestations de son duo d'acteurs. En effet, Amy Adams et Christoph Waltz y trouvent, en leur rôle, un intérêt commun, celui de rendre justice à cette célébrité injustement dérobée. Il en ressort de leur personnage une vraie justesse, servie par des moments de tendresse émouvants ou de malaise déstabilisants. En clair, deux acteurs à l'identité confirmée, encore jamais vus chez Burton qui font preuve d'un savoir faire et d'une finesse de prestation indéniables.
Tim Burton confirme ses talents de conteur et opte pour une approche très classique, et très classieuse, dans sa mise en scène. Une trame narrative simple et honnête, sans fausse note ou effets superflus et dans laquelle le réalisateur semble y inclure tout l'amour qu'il éprouve pour cette histoire assez méconnue de notre côté. En effet, le film libère une puissance dramatique qui lui est propre, grâce à ce désir de ne jamais jouer sur la surenchère visuelle, laissant libre court à son duo d'acteurs charismatique. L'amour pour le travail bien fait opère ici et Burton y développe avec entrain et sincérité une relation intime entre son oeuvre et le spectateur, le transportant ainsi avec douceur au cœur de son univers personnel. Car L'univers de Burton n'est pas que visuel, ce qu'il prouve largement ici. Dans Big Eyes, Burton sait parfaitement ce qu'il fait et confirme, comme pour Ed Wood, que l'exercice du biopic lui convient à merveille.
Finalement, Big Eyes n'est autre pour Burton qu'une véritable déclaration d'amour à l'art, dans laquelle il développe avec style et élégance un esprit féministe certain. En effet, il crie au monde la liberté d'expression de tous, éternelle et omniprésente et adapte le portrait d'une artiste qui ne méritait nul autre que lui pour lui rendre hommage. Big Eyes procure un bien-être sans limite et ne revoie rien de plus que la tendresse et la sincérité de celle qu'il représente. Tim Burton signe ici un travail abouti et authentique, vrai et empli d'amour, signe certain d'un rafraîchissement intense dans sa carrière de cinéaste.