Les élèves du lycée où se nouent les pauvres intrigues de "LOL" ont bien du souci à se faire. En plus de devoir penser à leur avenir, gérer leurs amours inutilement compliquées, supporter la pression des parents et des profs, et assumer les ravages de leur propre ego, ils doivent subir les assauts d’une réalisatrice et de sa co-scénariste qui les accablent à la fois de tous les clichés que la pub et les émissions télé de deuxième partie de soirée leur collent au train, et des piteux ressorts des comédies de mœurs pour la génération au-dessus. Pour instaurer l’ambiance "djeunz" : ton de tchatche en continu et vannes misérables, gros chagrins d’amour dans les toilettes, et d’une manière générale réduction de la bande de lycéens à une enfilade de caractérisations pompées dans les revues pour 15-25 ans, aussi primaires que sans saveur (il y a la pouffe insupportable, le crevard incurable, le nerd, le bouffon, etc...). Pour animer le tout (et là, qu’on se rassure, les parents trinquent aussi) : quiproquos à trois francs, ressorts de vaudeville miteux, brouilles et rabibochages jamais crédibles car ne concernant jamais de vrais personnages. Les scénaristes ont-elles jamais été jeunes dans leur vie, au point de se rabattre sur une telle caricature en guise de portrait d’une génération ? Les visages sont frais, mais rien de ce qui leur arrive ne peut émouvoir ou même faire rire, car la moindre part de vérité y a été remplacée par le cliché le plus moisi. Les émois de la nouvelle année de lycée de l’héroïne Lola, 16 ans (diminutif "Lol", on est morts de rire, là), c’est un long épisode de la défunte série "Seconde B", tourné dans des décors de téléfilm de luxe, puis (c’est le pire de tout) vendu dans les magazines comme un nouveau péril jeune en encore plus jeune. Car il ne faut pas s’y tromper : malgré le ton comique affiché, ce cousin jeune et joli des films de Patrick Braoudé est assez culotté pour travailler à se donner de l’importance. Ça joue d’un second degré facile, c’est toujours pratique pour parer aux critiques. Ça pense réconcilier les générations en convoquant l’ex-Boum-euse Sophie Marceau (idéale pour les couvertures de magazines féminins) en mère célibataire, cool mais ferme de Lola, qui redécouvrira, à la faveur de pauvres épisodes sentimentaux avec Alexandre Astier puis Jocelyn Quivrin, qu’elle aussi a été jeune. Ça hurle sa prétendue communion avec son temps, avec ses allusions au supposé moyen de communication préféré des ados d’aujourd’hui, MSN (le titre-acronyme, les incrustations des fenêtres du logiciel à l’écran), avec ses conversations de comptoir entre adultes sur l’éducation des enfants, la consommation du joint… Quand on réalise combien ce triste "LOL" prend finalement son propos très au sérieux, il devient impossible de trouver une quelconque excuse à sa pauvreté, et le goût sucré et acidulé de son titre tourne au rance. La caricature prétendument légère et gentille devient un effarant simulacre de vision du monde, qui dépasse ses propres frontières d’origine lors d’abjectes scènes de voyage dans un fantasme d’Angleterre méritant l’incident diplomatique. On repense alors au générique, à la voix-off de Lola commentant son arrivée au lycée montée au ralenti, ironisant sur les clichés des teen movies américains. Par ce triste et prétentieux décalque, c’est un certain cinéma englué dans ses pauvres certitudes qui a perdu une bonne occasion de se taire. C’est qu’il est bien petit, le monde de la comédie franchouillarde vendant son approche moderne des mœurs et de la société, mais au fond de commerce rance et profondément déconnecté de la réalité. Réalisatrice du film de femmes libérées pour couvertures de magazines "Comme t’y es belle !", Lisa Azuelos, au fond, fait subir ici aux adolescents d’aujourd’hui le même sort infamant qu’aux femmes, aux hommes, au racisme (Agathe Cléry), à tout ce qui a le malheur d’être ingéré dans l’ensemble de ce genre à vocation télévisuelle qui infecte le cinéma français. Soit un nivellement fédérateur par le bas, par des clichés d’un autre âge et une vision du monde effrayante de petitesse derrière son masque de modernité, tristement idéal pour assurer au film une confortable place en prime time. Et dire que ce film aura soi-disant "bercé" toute une génération...