Ce qu’il y a de plus détestable dans "LOL (Laughing Out Loud)", c’est l’intention clairement affichée de Lisa Azuelos d’en faire un film générationnel dans lequel tous les ados des années 2000 se reconnaîtraient, or le résultat est clairement à l’opposé de tout réalisme. Comment croire qu’un jeune puisse se retrouver dans les soucis amoureux d’une poignée de Parisiens d’une arrogance sans limite ? Ce monde que décrit la réalisatrice, c’est le royaume de la superficialité, de l’égocentrisme, de la suffisance et de l’inculture ; peut-être existe-t-il quelques personnes dans ce cas, mais ce n’est pas là que réside le problème. Comme je l’ai écrit ci-dessus, c’est l’universalité que le film prétend atteindre qui est vraiment consternante – puisque "LOL (Laughing Out Loud)" se veut un portrait réaliste d’une époque – de même que la volonté manifeste d’Azuelos d’idéaliser cet univers. Ainsi, tout adolescent qui ne se reconnaîtrait pas dans les personnages aurait en quelque sorte raté ses années lycée, et tout adulte qui ne vivrait pas les aventures sentimentales des parents du film serait anormal. Le film suinte alors la mièvrerie dans toutes les situations : les quelques conflits qui ont lieu se résolvent toujours dans la joie, des querelles amoureuses aux crises familiales, et sont donc sans conséquence alors qu’ils peuvent bouleverser des vies dans la réalité. Ici, tout est angélique : mère et filles prennent leur bain ensemble, chantent les Rolling Stones dans la voiture et partagent leurs vies sexuelles à demi-mot, tout le monde finit en couple à la fin, y compris la garce que tout le monde déteste mais qui est au fond une bonne petite fille, il faut cinq secondes pour que le père réprouvant les activités musicales de sa progéniture soit conquis par son talent et – une des scènes les plus ridicules de toutes – un ado immature qui commence par se moquer d’une trisomique va subitement se rendre compte qu’elle est après tout un être humain elle aussi et donc son égale, comme si l’intolérance pouvait disparaître en quelques jours. De cette façon, l’hymne à la tolérance devient une incitation au conformisme.La galerie de personnages est à l’avenant, tous plus affligeants les uns que les autres. On commence par Lola, ado imbue d’elle-même et débordant pourtant de vulgarité, qui inspire dès les premières secondes un profond dégoût. Telle mère, telle fille : le personnage de Sophie Marceau, adulescente jalousant son enfant, suscite elle aussi la consternation, tant son attitude de femme à la fois sexuellement avide et réactionnaire quand il s’agit de sa fille est insupportable. Mais tout cela n’est rien comparé aux mâles du film, des bourgeois risibles se prenant pour des rebelles et se faisant passer pour les futurs Beatles alors qu’ils jouent la musique la plus fade et conformiste du monde. Ces affreux personnages sont pourtant filmés comme des êtres réalistes et profondément humains, les seuls ennemis du film étant les profs. La mise en scène utilise d’ailleurs de nombreux effets séduisants, dont des séquences musicales, des plans sur les écrans de portable ou d’ordinateur, des références populaires, etc. Tout est fait pour que tout soit embelli à outrance et qu’on ne se pose aucune question sur la période trouble qu’est l’adolescence. Il suffit de voir "Les Beaux Gosses" pour constater le gouffre qui existe entre "LOL (Laughing Out Loud)" et la réalité : Riad Sattouf, en exerçant un regard satirique, se rapproche beaucoup plus des tourments que vivent les collégiens qu’Azuelos ne le fait avec ceux des lycéens. Sattouf se moque, enlaidit ses acteurs, montre leurs questionnements sur le sexe en insistant sur le pathétique, et parvient par la caricature à dessiner un portrait vif et crédible de l’adolescence, celui d’une étape de la vie plutôt que ceux de personnages en particulier. Soit tout ce à quoi la réalisatrice aspirait et échoue lamentablement. Il faut d’ailleurs noter que ce sont ses personnages les plus caricaturaux, à savoir les meilleures amies de Lola ainsi que Paul-Henri, le fils de ministre, qui surnagent au-dessus de ce ramassis d’idioties. Voir Charlotte filmer l’intérieur d’un poulet comme s’il s’agissait de son vagin paraît hautement improbable dans la réalité, et pourtant cette situation est, dans son impossibilité, beaucoup plus vraie que les autres scènes qui se donnent une allure crédible tout en étant à côté de la plaque en se qui concerne la justesse des sentiments humains. Ainsi, ces personnages qui assument le fait de ne pas êtres réels deviennent les seuls pour qui on éprouve de la sympathie.Évidemment, on peut s’amuser voire passer un moment agréable devant ce film, puisque la réalisatrice possède tout de même un sens du rythme, pour peu qu’on ferme les yeux sur la stupidité inhérente à l’œuvre. Il ne faudrait après tout pas trop intellectualiser la volonté d’Azuelos ; certes, "LOL (Lauhing Out Loud)" est avant tout un coup commercial sans grand intérêt cinématographique et à la mièvrerie envahissante – mais vendeuse, forcément –, mais il contient tout de même quelques moments de comédie, dans les vacheries que les lycéens se font entre eux, une vivacité qui répond à celle de la jeunesse et une narration certes convenue et sans surprise, mais assez efficace.