Yasumoto, jeune diplômé de médecine promis à une belle carrière, est envoyé en visite dans un dispensaire de pauvres, géré par le mystérieux Barberousse. Alors qu’il s’apprête à repartir, il est retenu par celui-ci, qui désire faire de lui son assistant. Réticent et opposé à la volonté de Barberousse (Yasumoto a une vision carriériste de son métier) le jeune apprenti va, à son contact, découvrir la vie, la souffrance, la mort, se délester de ses certitudes, renoncer aux plaisirs matériels… Ce parcours initiatique va alors révéler en lui sa profonde vocation : être au service des pauvres et lutter contre la misère. Le film adopte ainsi le point de vue de Yasumoto qui va évoluer constamment tout au long de son expérience. Ainsi, alors que le personnage de Barberousse nous est initialement présenté comme une sorte de Barbe Bleue autoritaire, il apparaîtra progressivement comme un héros idéaliste luttant contre la misère et l’ignorance. La transformation intérieure de Yasumoto, magnifiquement retranscrite par le travail cinématographique de Kurosawa, se réalise au contact des patients de ce dispensaire et de leurs aventures respectives. Le film est ainsi construit sous la forme d’épisodes, proches de la chronique sociale, extrêmement émouvants, alternant remarquablement les rythmes et les points de vue. A travers le personnage de Barberousse, c’est tout l’humanisme de Kurosawa qui ressort, à son plus haut point d’incandescence. Le film est en cela une véritable leçon de vie. Visuellement, nous sommes là aussi dans le sommet de la carrière du maître japonais, avec certainement les plus beaux plans qu’ait tournés le cinéaste (la mort du vieil homme –a-t’on déjà vu la mort aussi belle ?-, la scène du puits, les lumières dans les regards, etc). Barberousse est le chef d’œuvre le plus méconnu et oublié de Kurosawa. C’est dommage, car il s’agit d’un film sublime, d’une infinie beauté, très touchant. A mon sens, un chef d’œuvre absolu, peut-être le plus beau de son auteur.