Aux oreilles des cinéphiles, le nom d'Akira Kurosawa rejoint l'humanisme, dans son sens le plus émotionnelle. L'humanisme de Kurosawa ne tient pas d'une soif inextinguible de connaissance, ainsi que l'appréhendait le siècle des Lumière. L'humanisme de Kurosawa est celui des sentiments, qui vise à exposer la misère humaine pour lui donner voie et figure. «Akahige» (Japon, 1965), film long de trois heures s'attarde dans un dispensaire pauvre où viennent se réfugier les miséreux les plus démunis. Tenu par le froid docteur Barberousse (Mifune exempt de ses habituelles sursauts excités), cet hôpital accueille Noburo, un nouveau médecin venu, malgré lui, y faire son apprentissage. Au contact, majoritairement, de quatre patients : Rokusuke, peintre mourant tombé en désuétude après avoir connu le succès, Goheji, jeune homme affligé après la mort accidentelle de sa femme, Otoyo, orpheline de douze ans prostituée par une femme, et Chobo, enfant misérable tenu de voler pour survivre ; l'orgueilleux Noburo se métamorphose dans une lente ascension humaniste en un médecin magnanime, animé par le seul désir de repousser les frontières de la pauvreté. Au sein de ce dispensaire situé dans un lieu paisible pour le repos des malades, Kurosawa réussit à conserver la fièvre baroque de son cinéma. Les personnages haut en couleur, dans le sens où ils font montre d'un caractère agités, substituent au pathos que promet le postulat une fougue empathique. Pour autant, «Akahige» n'évite pas l'écueil du sentimentalisme. A l'aide de violons intenses, Kurosawa souligne l'accablement de certaines scènes (notamment celles, nombreuses, où agonise un malade) et trouve parfois la pesanteur de la sur-dramatisation. Malgré l'effort de vouloir aérer ces séquences tragiques de scènes intermédiaire comiques (selon le schéma en variable qui correspond à l'oeuvre de Kurosawa), «Akahige» souffre de la musique grave et majeure qui souligne ce que la beauté solennelle des images illustre pourtant si bien.