Alors tout jeune médecin ambitieux, le docteur Yasumoto se voit affecté au dispensaire de quartier pauvre tenu par un médecin, au premier abord rigide et sévère, surnommé Barberousse. Souhaitant d'abord tout faire pour être réaffecté ailleurs, il va vraiment découvrir qui est ce fameux Barberousse...
Akira Kurosawa aura consacré plus de deux ans de sa vie pour mettre en scène cette oeuvre d'une grande ampleur où il met en avant la rencontre entre un jeune et arrogant médecin et Barberousse, docteur humaniste plus réfléchi. C'est à ses côtés qu'il va vivre un parcours initiatique où il va découvrir une nouvelle perception de la vie ainsi que de son métier et ce que cela signifie vraiment d'être médecin. D'une immense richesse, Kurosawa aborde bon nombre de thèmatiques pour ce qui est la dernière d'une collaboration de 17 ans avec Toshirô Mifune, notamment la façon dont derrière les blessures physiques s'en cachent des morales et mentales, et que dissocier les deux est impossible, tel est la philosophie de Barberousse.
Avant tout, Barberousse est un bijou d'écriture, tant dans son développement et évolution des personnages, que dans ses thématiques et, à aucun moment, ne tombe dans le misérabilisme mais reste constamment dans l'humanisme et la réflexion. Kurosawa dresse surtout deux tableaux humains, d'abord sous forme d'un affrontement psychologique et d'idées, puis sous le signe d'un rapprochement, qui verra Yasumoto découvrir un nouveau mode de vie au contact de Barberousse. Ce qui m'a souvent frappé dans ce que j'ai vu de Kurosawa, c'est sa façon d'aborder la vie et les dilemmes qu'elle nous impose, souvent d'une justesse incroyable mais aussi d'une forte ambiguÏté, à l'image ici de ce que peut faire Barberousse pour arriver à ses fins. Ici, il offre tout un panel d'émotion et de réflexion, autour de la vie justement, les cas de consciences, la morale, les moeurs ou encore les différences culturelles. Cette qualité et richesse d'écriture, il la sublime à chaque instant à travers sa mise en scène et sa manière d'orchestrer son récit, prenant bien son temps lorsqu'il le faut pour mieux mettre en valeur ses personnages et leurs évolutions, thématiques et son atmosphère parfois ombrageuse. Il use de quelques flash-back mais insérés avec subtilité et toujours bien utilisé, en lien avec le récit.
Là où Barberousse se montre aussi comme une immense oeuvre, c'est par sa puissance dégagée, Kurosawa fait ressortir toute l'émotion et l'humanisme de son récit, d'une justesse et intelligence incroyable, tant dans les thématiques en elles-même, que dans la façon de les mettre en scène. Plusieurs séquences sont marquantes et saisissantes à l'image de celle de la mante religieuse et dans le même temps, Kurosawa a une approche presque documentaire pour décrire la façon de vivre et de faire dans la clinique de Barberousse. D'une beauté qui n'a d'égal que son ampleur, Barberousse approche aussi les sommets techniques, mettant en valeur ses personnages à travers des cadrages souvent proches des visages, de des jeux d'ombres et de lumières ou encore de ses nombreuses excellentes et ingénieuses idées de réalisation et de mise en scène. Devant la caméra, et pour une dernière avec Kurosawa, Toshiro Mifune est remarquable, sachant retranscrire toute la puissance et les diverses émotions de son personnage.
Comment ne pas être ébloui devant Barberousse ? Une oeuvre dont l'ambition est égale à son ampleur, beauté, intelligence ou encore génie, avec un Akira Kurosawa qui se montre tout le long inspiré et dirige, pour la dernière fois et remarquablement, Toshiro Mifune...