"Une famille chinoise" présente déjà une qualité intéressante au milieu de la production chinoise récente : point de Cité Interdite, de Poignards Volants, de juge itinérant dans la montagne du Yunnan. Non, juste des gens, père, mère, beau-père, confrontés à un des pires drames qui puissent arriver aux habitants de la planète, la menace de la perte d'un enfant. Wang Xiaoshui revendique la dimension universelle de son film, et il place son histoire au milieu d'un Pékin en plein chantier, interchangeable avec de nombreuses autres métropoles.
On sait juste que Xiao Liu est promoteur, que Mei Zhu fait visiter des appartements, que Dong Fang (jouée par Yu Nan, qui était l'héroïne du "Mariage de Tuya") est hôtesse de l'air ; quant à Lao Xie, on apprend simplement qu'il a un patron compréhensif qui l'autorise à travailler à domicile pour s'occuper de Hehe. On cherche ça et là des chinoiseries, on se dit qu'il y a la queue à l'accueil de l'hôpital, mais pas moins que dans n'importe quel service d'urgence de France : vraiment, ces gens nous ressemblent dans leurs préoccupations quotidiennes, amoureuses ou familiales.
Ce qui a attiré Wang Xiaoshui, c'est cette situation inédite au cinéma, et pourtant rendue plausible par les progrès de la médecine de ces dernières années : pour Mei Zhu et Xiao Liu, la seule façon de sauver leure fille consiste en lui donner un petit frère ou une petite soeur, ce qu'on appelle un bébé médicament, ou "bébé du double espoir". Sauf que dans la situation présente, chacun a refait sa vie, et qu'on est malgré tout en Chine où la politique de l'enfant unique prévaut : ainsi, si Mei Zhu donne naissance à un deuxième enfant, il sera hors de question d'en faire un troisième avec son nouveau mari.
Sur un sujet aussi grave, difficile de ne pas tomber dans le pathos. Pourtant, Wang Xiaoshui y parvient, en restant à distance et en insistant plus sur les silences, les détails, les attitudes que les grandes tirades. Quand le mandarin (doublement mandarin...) entouré de ses externes annonce la leucémie de Hehe à sa mère, ils sont filmés en plan large, au fond d'un couloir ; on n'entend pas ce qu'il lui dit, on voit juste sa mine compassionnelle-professionnelle, et on la voit chanceler après qu'ils soient partis. Autre exemple de cette pudeur : lorsqu'elle conduit sa fille à l'hôptial pour sa chimio, on lit toute sa douleur dans son regard qui se porte sur les autres enfants de sa chambre.
Pourtant, alors que j'étais tout disposé à adhérer à ce film, j'ai progressivement décroché. La faute à la multiplication des rebondissements : les va-et-vients de Dong Fang, les cas de conscience de Xiao Liu, les embarras de Lao Xie à chaque étape du calvaire, et dieu sait qu'il est long. Et puis, le parti pris de filmer les silences, les regards, les gestes quotidiens finit par créer de la distance par rapport aux personnages et par diluer l'enjeu dramatique. Dommage, car "Une famille chinoise" avait tout pour faire un grand film.
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