"Un mariage de rêve" est adapté d'une pièce de 1927 de Noel Coward, et dont avait été tiré un des derniers films muets d'Hitchcock, baptisé "Easy Virtue" et traduit par "Le Passé ne meurt jamais". L'action de la pièce et du film étant à l'époque contemporaine, il ne serait pas venu à l'idée de Noel Coward ou de Sir Alfred (qui n'était d'ailleurs pas encore annobli) de commettre un sacrilège aussi anachronique que celui qui ouvre le film, à savoir la victoire d'une femme au G.P. de Monaco, puisqu'il fallut attendre 1975 pour voir Lella Lombardi marquer un demi point au G.P. d'Espagne, performance jamais rééditée depuis.
Passée cette introduction monégasque en sépia qui nous permet de reconnaître Sainte-Dévote, la Rascasse ou le Tunnel, l'action se déplace là où se déroulera tout le reste du film, dans un de ces man oirs du Surrey qui servent d'écrin au cinéma anglais, le dernier film en date étant "Reviens-moi", certes dans une autre tonalité.
Les premiers échanges à fleurets à peine mouchetés entre la pétulante Américaine et la tyrannique douairière laissent craindre le pire : un jeu caricatural, une photographie digne d'un téléfilm allemand, et un scénario construit uniquement pour mettre en valeur les bons mots du type "Je ne vais pas sourire - Tu es anglaise, fais semblant", "Elle est comme la noyade, elle devient agréable quand on cesse de lutter", ou "C'est un sujet délicat, on n'en parle pas... sauf en public".
Et puis, fort heureusement, l'action se décentre de la seule opposition entre les deux femmes, pour laisser la place à d'autres aspects de l'intrigue et à d'autres personnages, comme le père de John, jamais remis de la Grande Guerre où il emmena tous les hommes de son village à la boucherie, ou Sarah, aristocrate voisine et amie d'enfance de John, promise à lui pour permettre la fusion des deux domaines, ou encore Furber, le butler complice de Larita, bien loin des "Vestiges du Jour".
Certaines scènes sont franchement drôles, comme la fin dramatique du pauvre Poppy (j'ai l'impression d'avoir vu une scène similaire il n'y a pas longtemps, mais où ?), d'autres sont plus poussives, comme le french cancan au gala des veuves de guerres. Mais progressivement, la tonalité comique s'efface pour s'attacher réellement aux personnages, jusqu'à une fin qui présente le grand mérite de ne pas correspondre aux lois du genre.
Je n'avais encore jamais vu jouer Jessica Biel, plus fameuse pour sa plastique que pour son jeu à en croire les premières pages de Google Images ; ici, en garçonne blonde platine, elle tient tête avec énergie et subtilité à une Kristin Scott-Thomas odieuse à souhait, et dont le surjeu demandé par Stephan Elliott réussit à passer grâce à la finesse de ses non-dits. Présent dans la plupart des comédies anglaises, Colin Firth joue ici avec un flegme dépressif, répondant à sa femme qui lui reproche de sourire : "Dieu m'en préserve !"
Ah, et un dernier détail : le pire anachronisme n'est pas de jouer Sex Bomb en fond sonore sur les images de la chasse à courre, mais de mettre une Frazer-Nash-BMW entre les mains de Larita, la marque anglaise ne s'étant alliée au motoriste bavarois qu'en 1934...
http://www.critiquesclunysiennes.com