Violent, drôle, loufoque, "Bad Boy Bubby" de Rolf de Heer est une curieuse œuvre à l'esthétique particulière, rappelant sans mal le style de Terry Gilliam. L'enfance malheureuse, les abus subis par Bubby, montrés dans toute leur crudité, dans toute leur cruauté, engagent à réfléchir sur la construction de l'enfant ; construction influencée, on le sait, par le milieu. Ici, l'enfermement et les sévices produisent un être ignorant à la fois les réalités du monde, mais également ses grands principes. Ainsi, les violences commises par Bubby envers le chat, si elles sont absolument dérangeantes, ne sont pas symptomatiques d'un sadique. Il ne sait pas, expérimente sans comprendre la portée de ses gestes et se faisant, en vient à commettre l'irréparable. N'ayant rien appris ni des codes sociaux ni des comportements, en général, à adopter envers les êtres vivants, Bubby se comporte ou mal, ou de façon étrange pendant une bonne partie du film. Le cynisme de l'œuvre apparaît alors précisément quand Bubby tente d'interagir avec des femmes. Il s'y prend très mal, évidemment, ce qui donne lieu à des séquences décalées qui correspondent bien à notre énergumène, rendu sympathique par cette simplicité enfantine qui est la sienne et par cette espèce de folie qui l'habite. Bubby est complètement givré, ce qui est souvent amusant. Mais, il est aussi profondément humain. Là est une réussite majeure du film : Ne pas faire du personnage juste un délirant, bête, méchant, fou… Bubby est tel qu'il est (Toute personne enfermée pendant 35 ans, dans des conditions similaires aux siennes, tournerait inévitablement marteau), sans que cela ne nuise jamais à cette humanité qui est la sienne. La découverte de la Pizza - Quelle scène ! Quel air de "Soleil vert" ! -, la découverte d'une imprimerie, un jeu avec un enfant, l'amitié avec le second chat - Preuve, si c'était nécessaire, que Bubby conçoit plutôt de la curiosité et une forme d'amitié pour ces petites bêtes, plutôt que de la malveillance -, sont autant d'éléments qui lui permettent de s'affirmer. Ni mauvais, ni méchant, Bubby est un grand enfant qui cherche sa place. Par chance, ses rencontres successives avec des personnes bien intentionnées lui ouvrent de nouvelles portes. Sa passion pour la musique qui seule, semble être en mesure de l'apaiser, à quelque chose de touchant. Le groupe de musiciens devient comme sa famille, celle qu'il n'a jamais eu, tandis que sa rencontre avec Angel et les résidents du centre ou il est hébergé achève de révéler sa sensibilité. Le portrait de Bubby est alors complet. Une vie nouvelle s'ouvre à lui. Une façon subtile de dire que le destin n'existe pas, qu'il n'y a pas de fatalité dans la vie et que peu importe le temps que l'on peut penser avoir perdu, pour ces raisons là ou pour d'autres, il n'appartient qu'à nous d'essayer d'avancer. - Le meurtre de ses parents puis ceux d'Angel sont tout un symbole : Pour évoluer, il est parfois nécessaire de "tuer" ce qui nous effraie, nous fait souffrir. De mettre, une bonne fois pour toutes derrière soi les expériences tristes, les misères qui ont été les notre, si l'on compte vivre. Vivre, pour ne pas végéter ; vivre, pour ne pas toujours, aller mal -. Cette idée rejoint la critique de la religion, de Dieu, superbement présentée dans une séquence d'anthologie. Elle nous propose de réfléchir à notre place dans le monde, et à nos responsabilités dans la conduite de notre existence. Dieu ne peut pas tout, Dieu n'est pas tout. On ne peut se défiler en se cachant derrière lui pour échapper aux résultats de nos choix et de nos actions. Le destin, s'il existe, n'appartient qu'à nous. Le parcours de Bubby montre qu'ils n'est jamais trop tard pour découvrir, explorer parce que, qui sait ! On a jamais perdu trop de temps, pour rencontrer d'autres gens. On a jamais perdu trop de temps pour trouver sa place, pour vivre, et pour être heureux.