Ha, EuropaCorp… On a toujours un peu peur lorsque l’on regarde un film qui débute par le sigle de la boîte de production de Luc Besson. Peur d’assister à un spectacle copié à grandes pompes sur les machines hollywoodiennes, mais à la sauce franchouillarde, et dont le script est bâclé au profit de séquences explosives. Et c’est un peu le cas ici. Fortement influencé par des œuvres comme « Heat » ou « French connection », « L’immortel » est avant tout un honnête film de mafieux français, mais qui essaye trop de faire dans la surenchère made in US. Et on le sait, quand les frenchies imitent les américains, les résultats sonnent souvent à la limite de la parodie.
Bref, ici, c’est en premier lieu le côté sentimentalisme exacerbé de l’histoire qui saute aux yeux, avec des moments de sensibleries sur fond de piano, utilisés à l’excès. D’ailleurs au bout d’un moment, la musique du film devient même assourdissante, pendant que le scénario, partiellement inspiré de la vie du truand Jacky Imbert, dit Jacky « Le mat », ne nous épargne pas certains gros clichés (le hors-la-loi qui à l’âme d’un véritable héros, les gradés de la police qui sont pas franchement gentils et réglos, le voyou et la flic qui se rendent compte qu’ils ont plein de points communs…). Mais là où le bat blesse cruellement, c’est au niveau de l’interprétation. Beaucoup trop d’acteurs sont mal choisis dans des rôles qui ne leur vont pas du tout. L’exemple le plus frappant reste bien entendu Kad Merad. Sollicité de partout depuis le succès des « Ch’tis », ce trublion déjanté à la De Funès se voit donc proposer des rôles qui n’auraient jamais du lui être destiné, et s’essaye pour l’occasion au contre-emploi. Mais n’est pas Coluche ou Jim Carrey qui veut, et passer de la comédie populaire au personnages plus dramatiques et sérieux est un exercice difficile… Complètement grotesque, Kad ne fait jamais peur en gangster sans foi ni loi. Pire, on a plutôt envie de rire en le voyant, tant son compteur crédibilité est à zéro. C’est bien simple, lors des scènes où il apparaît, on se demande si on ne regarde pas un sketch sur la chaîne « Comédie ! ». Ce n’est pas qu’il joue mal, c’est juste qu’on n’y croie pas une seule seconde. Mais il n’est pas le seul. L’excellente Marina Foïs, qui a pourtant déjà fait ses preuves dans le drame avec le poignant « Darling », n’est pas totalement convaincante en femme-flic alcoolique et écorchée vive, et Jean Reno, trop cabotin, reste lui aussi loin de son meilleur niveau. Quand à la psychologie de ces personnages, elle est mal taillée et peu approfondi, et se heurte aussi ici à nombreux poncifs. Le casting est peut-être très séduisant sur le papier, mais en réalité, on sent que la direction d’acteurs n’est pas le point fort de Richard Berry, tant les siens sont en roue libre, et cela plombe beaucoup le rendu final. Les plus puristes remarqueront que, malgré que l’action se déroule dans la cité phocéenne, pratiquement aucun acteur n’est pris la peine d’avoir l’accent provençal… C’est ce que l’on pourrait appeler le syndrome « Plus belle la vie » !
Mais l’acteur-réalisateur a tout de même quelques qualités de metteur en scène à revendiquer. Là où celle de « La boîte noire » était un peu trop fourre-tout et manquait de subtilité, elle est ici nerveuse, Berry se démenant pour ne nous laisser aucun répit. Violence froide, scènes d’actions et autres fusillades assez bien réglées dans l’ensemble, visuel sombre et atmosphère plutôt soignée de polar tendu, cette histoire, en partie vraie, de gangster au grand cœur comme le public les aime, comporte quelques scènes et face-à-face qui valent le coup d’œil. L’intrigue, qui souffre d’être parfois quelque peu tirée par les cheveux et pas toujours bien écrite, à au moins le mérite d’être doté d’une bonne dose d’un suspense de qualité. Si il ressemble au départ à un épisode de « Julie Lescaut », « L’immortel » s’améliore par la suite.
En définitif, ce polar musclé et speedé ne tient pas toutes ses promesses et c’est vraiment bien dommage. Si la tentative de faire un film de genre est tout à fait louable, on peut regretter que Berry soit passé à côté de son sujet par moment, car il y avait matière à mieux faire. Avec des acteurs de cette qualité là, une intrigue rocambolesque et des moyens assez conséquents (le budget avoisine les 20 millions d’euros tout de même), on ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit d’un gâchis.
D'autres critiques, avec photos et anecdotes, sur mon blog, http://soldatguignol.blogs.allocine.fr/ N'hésitez pas, merci !!