Ah, ces italiens! le culot avec lequel ils s'attaquent aux grands du monde! Après que Moretti ait placé Berlusconi dans un film, c'est au sphinx Andreotti que s'attaque Paolo Sorrentino. Ce film n'a rien à voir avec un docu fiction. C'est un vrai film de cinéma -au début, on se croit dans un polar coréen; les proches du courant G.A. de la D.C (démocratie chrétienne...) sont présentés comme on présenterait des chefs yakuzas. Tout est noir, solennel, sacramentel. Le hic, c'est qu'à force de faire de ce récit un objet sophistiqué, son pauvre spectateur en perd les pédales. Bon, tous ces liens adultères Cosa Nostra /loge P2, loge P2 /Vatican, Vatican /DC, DC /Cosa Nostra, on les connait; mais trop de personnages, trop de détails ! Il faut être un italien de plus de 55 ans pour pouvoir vraiment rentrer dedans. Que de suicides, plus ou moins assistés; que d'assassinats, plus ou moins mafieux -le plus connu étant celui du général Dalla Chiesa. Dans l'Italie des années 80, il y avait un gouffre de boue, et le problème est de savoir où se tenait Andreotti. A côté? au centre?
Et puis, il y a l'enlèvement d'Aldo Moro et cette question qui revient en boucle: dans quelle mesure Androtti a laissé faire -jusqu'à ce qu'il soit trop tard?
Un élément de réponse. Cette certitude qu'il aurait, qu'il faut savoir faire le mal pour combattre le mal (le communisme, la laïcité, la modernité!)... Vrai? Faux?
Toni Servillo en crée une image saisissante. Bigot voûté, raide, austère et ascétique, migraineux chronique, impassible, opaque - inoubliable. Tous les acteurs sont bons, mention spéciale celui qui compose un extraordinaire Toto Riina, avec son look de paysan matois.
Mis en accusation avec 26 (!!!) chefs d'accusation différents, dont la commandite de l'assassinat du journaliste Mino Pecorelli. Condamné, jugement cassé en appel. Re-condamné par la cour de cassation, jugement re-cassé, c'est blanchi que la vieille crapule a pris sa retraite. Nonagénaire, verra-t-il le film?