4 ans à attendre c'est déjà très long, mais 4 ans à attendre la suite d'un film aussi prodigieux que "The Dark Knight" c'est juste insoutenable et a créé des attentes inhabituellement hautes pour ce troisième volet qui fut pour moi et pour beaucoup d'autres une déception, mais qui aurait difficilement pu être autre chose au vu justement de la hauteur à laquelle le second volet avait mis la barre, sans oublier le décès d'Heath Ledger suite auquel Nolan a dû se bricoler une sortie de secours express. Et pour un poissard de ce calibre Nolan s'en sort plutôt avec les honneurs, son film tient la route et demeure agréable à suivre, quand bien même le réalisateur pêche bizarrement sur pas mal de points. La première question qui se pose c'est comment aborder le film ? Certains diront qu'il faut oublier toute comparaison avec "The Dark Knigt" puisque que cet ultime volet trace sa propre route, mais pour moi il est davantage dans la veine de "Batman Begins", étant presque plus une suite au premier que ne l'était le second, ce qui est pour moi une régression: aucune petite allusion de rien du tout n'est faite au joker (si c'est censé être une preuve de repect envers l'acteur je trouve ça très très maladroit) alors que l'on assiste à la résurgence de Ras Al Ghul et la ligue des ombres dont le but est toujours de rendre à la civilisation son équilibre (ce qui était déjà très intéressant dans "Batman Begins"). On constate aussi des thèmes principalement intimes dans la veine du premier tels que la peur ou l'espoir (sur un fond pas poussé bien loin d'occupation, d'anarchie et de lutte des classes, voire très mal traités comme dans la baston finale) ainsi que le retour de tics légèrement comics, ne serait-ce que les one-linners trop présents. On peut aussi noter un bon nombre d'éléments purement symboliques dans le scénario, mais contrairement à "Batman Begins" il arrive un peu trop souvent que le symbole aille contre la cohérence du récit, ne serait-ce que l'intuition de Blake quant à Bruce Wayne, ou Batman qui annonce son retour à Gotham par un grand feu de joie en ruinant toute chance d'attaque surprise pour la beauté du geste, c'est joli mais ça fait sortir du film. Et c'est là que le film pêche le plus: l'écriture. Même si globalement il reste plus intelligent que la moyenne des films de super-héros reste que là où le second marquait par sa subtilité ce volet-ci préfère avancer avec de gros sabots bien bruyants, comme de peur que le public soit devenu débile en 4 ans. Le set-up/pay-off parfaitement maîtrisé des deux premiers a laissé à place une astuce aussi grosse que ce réacteur potentiellement explosif, et puis la fin...chaque scène de cette fin se sent obligée d'appuyer ce que l'on a tous déjà deviné avec les quelques miettes de pain amplement suffisantes disséminées dans le film. En outre le film tente toujours de faire plus grand, plus explosif, plus spectaculaire que le premier. Il faut dire que le nouveau bad guy, Bane, a un sens du spectacle un peu trop prononcé, en témoigne toute cette séquence d'introduction certes spectaculaire mais qui aurait aussi bien pu se dérouler à terre. Enfin, si l'on fait l'impasse sur la façon immonde dont sa voix est retouchée et sur son plan somme toute foireux c'est vrai que la menace en impose pas mal et son duel contre Bruce est saisissant, au point que l'on regrette ce twist final qui ne lui rend pas ses lettres de noblesse. Un bel effort d'écriture est tout de même accompli sur le personnage de Catwoman par exemple, mot qui n'apparaît pas une seconde dans le film, ou sur l'immortalité de Ras Al Ghul lors de son caméo, mais ça ne suffit pas à rattraper les trop nombreuses grosses facilités scénaristiques (le réacteur changé en bombe en deux temps trois mouvements, le deus ex machina de la prothèse de jambe, la vertèbre soignée à l'ancienne, le téléporteur de Bruce...) ou les deux amourettes sorties de nulle part qui minimisent grandement l'impact de
la mort de Rachel
. Après reste plusieurs moments symboliquement très puissants comme l'ascension de la fosse ou la statue du chevalier noir. "The Dark Knight Rises" est plaisant à voir et à suivre, bien réalisé (même si en 4 ans Nolan ne s'est toujours pas décidé sur le format à adopter, pourquoi je suis le seul que ça gêne ?), avec même quelques pistes de réflexion plutôt intelligentes, mais le film ne souffre pas seulement de la comparaison avec son aîné, il a souvent du mal à tenir debout lui-même. Il est cependant loin de rejoindre le cercle des suites qui n'auraient jamais dû voir le jour.