Avec des noms comme Gus Van Sant (Elephant) à la production ou Harmony Korine (Spring Breakers) au scénario, il était évident que Kids allait traiter de l'adolescence. Il ouvre même une carrière de réalisateur, celle de Larry Clark, qui se consacrera au sujet de manière récurrente par la suite. Ce premier film est déjà porteur d'une vision très forte, ne prenant aucune pincette pour dresser le tableau d'une certaine jeunesse new-yorkaise complètement dépravée. Il s'aide assez habilement de la vision consensuelle du sexe montrée au cinéma, c'est à dire justement une vision érotisée et élaguée de son visage trivial et organique, pour jouer de ses codes et du décalage glauque qui se met en place de lui-même lorsqu'on filme le sexe pour ce qu'il est d'un point de vue primaire. Clark se veut choquant, et l'est par moments mais son regard manque un peu trop de nuances et d'empathie pour que ses moments glauques aient réellement l'impact escompté. Ses personnages, garçons comme filles, sont perdus dès le départ, et le réalisateur oublie par exemple de montrer ce qu'ils auraient pu être, voire la part de beauté qui leur reste, pour jouer correctement sur le désir du spectateur de les voir s'en sortir. Au lieu de ça, on se limite à un constat plutôt clinique du fait que ces ados sont perdus, et s'abîment dans le dernier ressort dont ils se sont persuadés un peu tôt qu'il les maintenait vivants. Un constat d'une heure trente, ça peut quand même paraître un peu long. Un peu plus de lumière, celle que laisse entrevoir la scène du taxi, par exemple, m'aurait vraiment permis de respirer, et par conséquent de ressentir dans une meilleure mesure l'asphyxie quand Clark aurait voulu me replonger dans la nasse. Par exemple, l'une des rares scènes qui m'a choqué (en dehors de la scène d'ouverture, qui choque justement, au-delà de son contenu, parce que c'est la première et donc que je n'étais pas habitué au regard déprimé que Kids pose sur cette jeunesse), c'est celle où les adolescentes discutent de leur sexualité sans complexe, de manière complètement désacralisante et triviale. C'est sans doute cliché je sais, mais voir des gars sauter sur tout ce qui bouge me gênera moins que voir des membres de la gent féminine discuter avec tellement de détachement et de vulgarité de choses si intimes. Sans avancer d'explications biologiques (qui pourraient proposer une viatique très solide à cette pensée, que d'aucuns pourraient penser flirter avec du sexisme), il me parait tout simplement que le sexe, pour la femme, est quand même beaucoup plus intrusif que pour l'homme, et qu'il est de fait davantage lié à un certain besoin de se préserver. Rajoutez à cela l'image séculaire de pureté construite autour du sexe féminin, et vous avez là une voie royale dans laquelle Larry Clark peut s'engouffrer tranquillement et vraiment gêner le spectateur, simplement en laissant parler ces jeunes filles pour qui donner leur corps à tout va est apparemment devenu un idéal de vie. C'est bien la preuve, en tout cas, qu'être marquant, dans ce genre d'entreprise, est beaucoup plus facile lorsque l'on brise un idéal, et que le noir n'est jamais si opaque que lorsqu'on vient tout juste d'éteindre la lumière. Voilà pourquoi Kids ne m'aura que peu inspiré, malgré un désir évident de s'imposer à l'esprit. Trop monochrome pour émouvoir vraiment.