Jaume Collet-Serra le ténébreux... .
Débutant (prometteur paraît il) pour "La maison de cire", deuxième métrage récréatif avec "Goal 2", Jaume nous pond un troisième essai digne de ce nom : "Esther".
Scénario : après avoir perdu son troisième enfant et souffrant de cauchemars liés à ce traumatisme, une mère, en accord avec son mari, décide d'adopter. Dans l'orphelinat voisin, le couple fait la connaissance d'une ravissante jeune fille nommée Esther... .
Écris d'une plume qui ne s'arrête jamais, le pitch en est d'autant plus ininterrompu. Plume légère, onctueuse, posée et significative de la part des scénaristes qui prennent bien le temps d'ancrer le contexte de la famille. Certes américaine type (pour ce genre de film), mais qui est décrite comme une famille complètement ordinaire. Et l'extraordinaire va arriver dans cet événement que le couple a mis en place. A partir de ce moment, les scénaristes se cantonnent à leurs rôles, celui de raconter avec une précision millimétrée les aventures auxquelles la nouvelle famille va être confrontées. A partir de ce stade, je n'en dis pas plus. Juste que Alex Mace (alors au tout début de sa carrière !!) et David Johnson (anciennement directeur photo : "Othello" d'Oliver Parker, "Resident evil") arrivent à maintenir un suspense de malade à couper au couteau !! Sans parler du double-final qui est une pure merveille, à l'image d'un scénario comme "Seven" ou "Usual suspects". Autant dire que niveau scénario, c’est armé au gros calibre. Bravo messieurs les débutants !!
Ensuite, niveau ambiance, on peut dire merci aux aléas climatiques automnales dans le Toronto, car l'on est pris dans un torrent de feu (c'est le cas de le dire !!) irrémédiable. Cette neige nous transmet bigrement bien l'effet de surprise, l'effet de peur (un genre de huis-clos glacial), l'effet d'incertitudes, bref, ces moments de solitude qui marquent l'esprit d'un thriller dramatique de haute envergure. Toujours dans cette ambiance hivernale, et au suspense allant crescendo, ajoutons une musique parfaite, sans fausse note de notre ami John Ottman. Le compo de "Usual suspects", "X-men 2" et "Kiss kiss bang bang", c'est lui !
Pour parler casting, c'est tout simplement magistral, et une leçon de cinéma à part entière. Ici, c'est bien un thriller féminin, chose rare dans le cinéma ! Peter Sarsgaard le mari (débutant dans "L'homme au masque de fer" et vu dans un Tavernier récent, "Dans la brume électrique") et Jimmy Bennett le fils (déjà vu chez Siri ("Otage"), Abrams ("Star trek"), dans "Firewall" avec mister Ford, ...) jouent les seconds couteaux pour leur plus grand bonheur, et tant mieux car ils n'en montrent pas plus que ça. Tout juste bons dans leurs rôles. En revanche, la fameuse Esther campée par Isabelle Fuhrman (elle a joué dans le phénomène-société "Hunger games", le premier du nom) nous démonte littéralement sur place. Il s'agit d'une interprétation noire, misogyne et poisseuse à souhait. Hautement charismatique, Isabelle est non seulement la pièce maîtresse du film mais sa personnalité est diaboliquement mise au point. Terriblement hautaine et efficace. Du professionnalisme pur et dur. Bravo Isabelle. J'en redemande !! A ses côtés, la mère interprétée par Vera Farmiga (actrice de seconde zone, dans le bon sens du terme : "La peur au ventre" (avec Walker) "Les infiltrés", "In the air" (avec Clooney)...) est tout simplement impeccable et nous sidère de par sa force psychologique. Bravo ! De même pour la très jeune fille Aryana Engineer dans le rôle de la fille. Si jeune et déjà si exceptionnelle. Continue de percer Aryana !
Si l'on parachève par la mise en scène, c'est tout simplement magique ! Tout est parfait : plans, cadres, décors, montage... . Tout est magnifiquement filmé pour nous donner des p'tits coups de bourre de temps à autres, et surtout, nous maintenir en haleine jusqu'au double final, superbement terre à terre et royalement orchestré. Jaume Collet-Serra nous sidère et ce, dès le début de sa carrière. Une leçon parfaite de cinéma selon moi. Que puis-je dire d'autre, si ce n'est que l'on a affaire à un psycho-thriller dramatique teinté d'épouvante ? Rien d'autre que de dire merci à Jaume, Isabelle, au compositeur John et à toute l'équipe.
Attention, "Esther" atteint les sommets du film d'épouvante des années 2000, tout comme "Case 39".
Ce soir, spectateurs en couple, voulez vous adopter une jeune fille nommée... Esther ?
Accord parental souhaitable et interdit aux moins de 14 ans.