La déception que l'on peut ressentir au moment où le générique de fin arrive sur la toile blanche est immense, peut-être autant que l'attente suscitée par ce film. Pourtant, au départ, on avait la nette impression que seul Tim Burton pouvait porter sur grand écran une adaptation du chef-d'oeuvre de Lewis Carroll. Car quand on y pensait, tout avait l'air de coller : l'esprit onirique, magique et sombre de l'histoire de base se marié plutôt bien avec le style visuel, décalé et inventif du cinéaste, et les aventures merveilleuses de la jeune rêveuse avait l'air d'aller comme un gant à celui qui à déjà donner vie à de multiples univers farfelus et fantasques. Mais à l'heure du rendu final, tout à l'air d'être autrement.
Je ne remet pas en cause le talent certain de Burton, mais le fait que son inventivité et son inspiration soit plus limitées, beaucoup plus formatées qu'avant, du coup ses films ont moins d'impact. Dans la continuité des déceptions engendrées par "Charlie et la chocolaterie" et l'insupportable "Sweeney Todd" (sans parler du désastreux remake de "La planète des singes"), cette version New-age des aventures d'Alice Kingsley souffre d'un mal qui l'empêche d'avoir quelquonque épaisseur dramatique. Elle est lisse, creuse et beaucoup trop mièvre. Peut-être l'effet Disney ? Sans vouloir charger gratuitement la firme spécialisée dans le cinéma pour enfants, il est néanmoins impossible d'attendre de leur part une oeuvre sans limite ni contrôle, qui aurait plus correspondue aux esprits un peu fous et tordus de Carroll et Burton. Mais le réel problème du film en est sûrement son scénario, qui en fait ne s'avère être qu'un prétexte sans importance servant à mettre sur pied un projet. Il est extrêmement prévisible, mou et sans le moindre petit rebondissement. Vous l'aurez compris, pas de quoi s'accrocher à son fauteuil sans voir le temps passer, les (maigres) ficelles de l'intrigue se devinant (trop) facilement.
Alors oui on retrouve bien l'univers de Burton, tout les codes pouvant facilement identifier un de ses films sont là. Mais là c'est ni plus ni moins du formatage parfaitement orchestré. Tout a été minutieusement étudié par la prod' afin de donner au réalisateur les moyens de faire du Burton, mais uniquement dans la forme, pour que les ados un peu marginaux et les rebelles pré-puberts ayant découvert son cinéma et son style 15 ans après la sortie de ses premiers films, puissent jouir de retrouver l'univers de leur cinéaste fétiche. Celui dont ils ont tout les petits accessoires dérivés et autres produits de merchandising qui décorent leur chambre et leur sac à dos Eastpak. Donc oui, on a toutes les références à plein d'anciennes oeuvres de Burton pour être sûr de s'y retrouver : de "Sleepy hollow" à "Edward aux mains d'argent" en passant par "Big fish", tout y est. Des vieux arbres glauques et tordus aux sculptures de jardin en passant par les décors déformés et destructurés, rien ne manque pour que le label "Vous regardez bien un Burton" soit estampillé. Ce procédé est poussé jusqu'à ce que le Valet de Coeur, larbin de la Reine Rouge, ressemble très étrangement à un célèbre héros d'un des meilleurs films du metteur en scène... Vous constaterez par vous-même. Pour les autres, et pas seulement les fans de la première heure, le fond n'y sera pas et son univers aura un allure de préfabriqué. Du sous-Burton en gros.
Bref, hormis le sympathique procédé de voir le film en 3D, même si tout cela n'apporte rien du tout sauf un gadget supplémentaire, quelques scènes réussis, trois ou quatres bonnes idées et quelques seconds rôles intéressants, la curiosité de voir ce que cela donne est vite remplacée par une pointe d'ennui et de déception et une envie d'être plus sévère avec ce genre de grosse production, surtout quand elle sont ratées, comme c'est le cas ici. Vivement le prochain Burton que l'on puisse vérifier une chose : est-ce que l'excellent et visionnaire Tim des années 80-90 est bel et bien mort dans les années 2000 ?
La critique complète et bien d'autres, avec photos et anecdotes, sur mon blog... http://soldatguignol.blogs.allocine.fr