Force est de reconnaître que la principale qualité de Tim Burton est de réussir à surprendre et émerveiller le spectateur à chaque nouvelle création. De Batman à Edward aux mains d'argent en passant par Charlie et la Chocolaterie ou Ed Wood, le réalisateur ne s'est jamais appesantit sur un genre, ne s'est jamais laissé enfermer dans de sombres carcans. À chaque fois, il étonne, il sacre le fantasque et le pouvoir de l'imaginaire, il fouille les recoins d'une esthétique aussi personnelle que transgressive, il sublime la beauté, expérimente, fait de ses meilleurs films des bijoux de poésie intemporelle et jouissive. Frankenweenie ne déroge pas à la règle. Tim Burton nous présente une fois de plus un de ses mondes clos, un de ses univers complets qu'il avait l'habitude de forger. Car monsieur Tim sait bien que la beauté ostentatoire ou que le sentencieux sordide qui inonde les films actuels ne font qu'accroître le malaise du spectateur. Rien de tel ici : on nous laisse rêver, nous approprier ces images, ces rires, cet univers si fort : ce n'est pas le film qui clame sa beauté, c'est le spectateur qui la ressent, qui se doit de se l'approprier, et plongeant entier dans l’œuvre, en pénétrant dans cet univers singulier. Car une nouvelle fois, Burton offre à notre imaginaire tout un nouveau monde, fait aussi bien de poésie que de grotesque, de sublime que d'humour, de profondeur que de légèreté. Tout ceci est bouleversant, tout cela tourbillonne, s'enchaîne, mais avec un tel soin, un tel raffinement que chacune des milliers d'images est un tableau d'une rare beauté. Une critique de presse reprochait au film de soigner davantage son esthétique que son scénario. Mais c'est justement cela qui donne cette force au film ! Libre à nous d’échafauder nos histoires : Burton créé les réceptacles de nos passions. Que nous reste-il du film ? Non pas une histoire, non pas des idées figées, non pas du spectaculaire prétentieux, mais bien des images, des peintures, mouvantes, extraordinaires, propices à accueillir nos propres délires. L'esthétique, la beauté, est une qualité cinématographique trop méprisée actuellement. Qu'importe, Burton s'en moque : transportant sa caméra du bizarre de l'inutile, il filme, triture, transcende ses mondes. Frankenweenie, ainsi, ne ressemble à aucun autre film : ce n'est pas l'étrange noël, ce n'est pas les noces funèbres, c'est encore, et tant mieux, autre chose. Une autre pépite. On ressort de la salle noire, sublime paradoxe, à la fois hilare et ému aux larmes.