Décidément, en 2012 Tim burton n'aura pas chômé. Après Dark Shadows en mai, l'anglais chevelu renoue avec le dessin animé pour Frankenweenie, sorte d'interprétation personnelle de la figure de Frankenstein.
Et le moins que l'on puisse dire, c'est que ça fait plaisir. En cette période entre Halloween et Noël, où les nuits s'allongent et où le froid court les rues, quoi de mieux que d'aller se nicher dans un fauteuil moelleux devant un dessin-animé noir.
L'histoire, c'est celle de Victor, un gamin solitaire et passionné d'inventions en tout genre. Il n'a pour véritable ami que son compagnon à 4 pattes, Sparkie. Lorsque ce dernier meurt renversé par une voiture, Victor est mort de chagrin. Inspiré par ses cours de science et fort de son inventivité, il décide de redonner vie à l'animal. Mais cette prouesse arrive aux oreilles de ses petits camarades, qui tentent de reproduire la même chose, et alors les choses se corsent, la ville est envahie par les monstres et le tout prend des allures de chaos.
Dès les premières images, le spectateur est plongé dans les eaux de la bizarrerie. Premier constat, le film est en stop motion, ce qui fait très plaisir à l'aire du dessin-animé numérique et apporte une dose d'authenticité. L'image est superbe, elle est faite d'un noir et blanc très contrasté, qui donne d'entrée jeu au film son aura mystérieuse.
Les personnages possèdent cette poésie décalée qui plaît tant chez Burton. Ils ont beau être des marionnettes aux mouvements plus limités que dans du numérique, ils dégagent tous une complexité fascinante. Les adultes ont cette part d'ombre qui les rend inquiétants, comme ce prof de science qui roule les « r » et semble tout droit revenu des ténèbres avec ses gestes emphatiques. Les enfants, eux, ne sont pas tout à fait des enfants. La poésie est aussi là. Il y a ce gosse virtuose et solitaire, cette petite fille qui semble avoir vu tellement de choses qu'elle en garde les yeux écarquillés, et cette gamine au look quasi gothique dont on ne soupçonnait pas la voix rauque jusqu'à l'entendre répondre, l'air las, à son oncle bedonnant. Non, décidément, ce village n'est pas le royaume de la candeur enfantine.
Et pourtant, malgré la noirceur des personnages et de l'histoire, les différents messages donnés par le film sont presque innocents, comme s'il y avait une part d'enfance que l'on ne pouvait pas totalement éradiquer, une pureté des sentiments qui résistait à l'ombre.Et ces messages sont multiples.
Les enfants verront dans ce film une histoire d'amitié profonde et sans bornes entre un petit garçon et son chien. Ils y verront peut-être aussi une sorte de morale : seules les choses qui sont faites avec le cœur apportent de beaux résultats, le reste risque toujours de se retourner contre nous. Et à cette réflexion un peu candide peut se superposer une réflexion plus profonde, sur la légitimité de la science. Si ici, Sparkie reste fidèle à lui-même alors que les animaux qui n'ont pas été créés avec amour se muent en des bêtes dangereuses, c'est peut-être pour quelque chose. Ces animaux ressuscités qui deviennent des monstres prennent un aspect symbolique.
Les questions se posent alors : Jusqu'où la science peut-elle aller sans constituer une atteinte à l'éthique ? Y aurait-il une bonne science, une science pure, et une science malsaine, menant à la destruction ? Où se situe la limite ? Frankenweenie, sous ses allures de conte, peut finalement être une illustration efficace du livre d'Edgar Morin, Science avec conscience.
Et, quand ce qui à la base est un dessin-animé tout public réussit à se lire sur autant d'échelles, et est à la fois agréable pour ce qu'il est et pour les réflexions qu'il entraine, c'est que la magie a opéré.
La fin doit rester une surprise, mais on pourrait lui reprocher d'être une « fin surexploitée », le genre de fin où l'on pense que c'est fini, et en fait, jamais complètement. Si Burton avait réellement tranché, elle aurait pu être parfaite et le film aurait presque sonné comme un sans-fautes à mes yeux.
Mais passons sur cette fin décevante bien que très touchante. Frankenweenie est pour moi le meilleur Burton depuis longtemps.
Au delà de cette superbe esthétique et de l'intrigue, c'est aussi une jolie mise en abyme de la relation entre le maître et sa création : Finalement, si Victor triche en redonnant la vie à Sparkie, Tim Burton ne triche-t-il pas lui aussi, quand il tire les fils de ses marionnettes ?