Environnement exclusivement noir et blanc et atmosphère cafardeuse : dès le début, le spectateur plonge dans l'univers sombre et poétique du « maître » Tim Burton, qui s'est fait un plaisir de recréer l'ambiance des anciens films d'horreur des années 30. Se situant dans une ville des États-Unis, New Holland, l'histoire met en scène un personnage un peu marginal, solitaire et créatif : Victor Frankenstein, qui porte le même nom que le savant sorti de l'imagination de Mary Shelley. Ce garçon passionné de cinéma (il fait même des courts métrages qu'il montre à ses parents) et de science a pour unique compagnie, au cours de ses nombreuses recherches et expériences, son chien Sparky, un bull terrier qui est son seul ami. Ce dernier est peu apprécié par leur voisin, le caractériel et bedonnant maire Van Helsing.
Et un jour survient le drame : l'animal tant aimé meurt, percuté de plein fouet par une voiture. L'attachement que l'on voue aux deux protagonistes dès les premières minutes du film est tel qu'il n'y a pas de honte à verser sa petite larme lors de la disparition brutale du chien que son jeune maître, dévasté, se résoudra à enterrer. Alors que l'école accueille un professeur inquiétant, mais réellement intéressant, Victor a une révélation en l'écoutant parler des effets de l'électricité. Il lui vient alors une idée... lumineuse. Au milieu de la nuit, le voilà qui s'empare d'une pelle, qui se rend au cimetière des animaux de son village, et qui déterre le corps de son défunt compagnon. De retour chez lui, il le « branche » à une machinerie élaborée par ses soins, y attache un parapluie et un cerf-volant, puis l'élève sur le toit de sa maison, par la fenêtre de son grenier. L'effet escompté ne tarde pas à se produire : attirée par le parapluie et le cerf-volant, la foudre s'abat sur la planche sur laquelle repose, enveloppé dans un drap, le corps de Sparky. Quelques minutes plus tard, l'impossible est arrivé : le chien est vivant. Refusant que cela s'ébruite dans le voisinage, Victor le garde dans son grenier. Mais suite à une cavale de Sparky, il s'avère qu'Edgar (qui ressemble, au choix, à Igor ou au bossu de Notre-Dame...), un des camarades de Victor, a découvert son secret, et il le fait chanter pour qu'il lui explique comment il s'y est pris. La mort dans l'âme, le jeune homme lui révèle tout, puis lui fait promettre de n'en parler à personne. Bien mal lui en prend, car Edgar, peu embarrassé par sa promesse, s'empresse de le divulguer auprès d'autres élèves, dont Toshiaki, ambitieux et très efficace. Ceux-ci se décident à faire aussi bien, sinon mieux, que Victor : ils essayent, tous pendant la même nuit, de ressusciter des animaux morts, Toshiaki tentant l'expérience avec Shelley, sa tortue. Mais ces tentatives croisées ont des effets désastreux...
Alliant la nostalgie de ces « vieux » films dont il est fan (Frankenstein, la Momie, Godzilla, les films d'Alfred Hitchcock...) et la poésie fortement teintée de pessimisme qui lui est propre, Tim Burton nous sert là une belle prouesse d'animation... en stop-motion. Comme souvent, son héros est un personnage peu ou pas intégré dans la société, visionnaire sans doute, et attachant à plus d'un titre. Timide et marginal, le jeune Victor voue cependant un attachement sans faille à Sparky, et son expérience, faite dans le seul but de le retrouver vivant, réussit, à l'inverse de celle de ses petits camarades (j'adore la fillette « illuminée » au chat tout aussi spécial...) qui échouent, transformant des animaux bien innocents en créatures plus ou moins monstrueuses. La science sans conscience serait-elle donc fatale ?
À noter aussi, le fait que ce film est bourré de références. On en trouve aussi bien aux films cités plus haut qu'à ceux de Tim Burton lui-même ; ainsi, les traits de Victor Frankenstein ne sont pas sans rappeler ceux de son patronyme de prénom Victor Van Dort (les Noces Funèbres) en plus jeune, et Sparky a le caractère affectueux et joueur de Scraps, le chien-squelette de ce même personnage ; les faits se produisent pendant des événements festifs, comme pour l'Étrange Noël de Monsieur Jack. Autrement, la tortue de Toshiaki est nommée Shelley, on n'a guère besoin d'expliquer pourquoi ; le maire et sa fille Elsa Van Helsing portent le même nom que le fameux chasseur de vampires qui intervient dans le Dracula de Bram Stoker. Ce film contient de nombreux clins d'œil, et je pense en avoir raté un bon paquet...
Si vous ajoutez à l'émotion, au suspense, à l'esthétique et à l'intelligence (incarnée par Victor, curieux et inventeur, et son étrange professeur, qui trouve absurde de redouter la science sous prétexte qu'on ne la connaît pas) de ce film la somptueuse bande musicale de Danny Elfman, vous obtenez un cocktail véritablement explosif. Les accords d'orgue parachèvent l'ambiance gothique et très sombre de Frankenweenie, qui reprend les grandes lignes d'un court métrage de monsieur Burton datant de 1984 mais qui est loin d'être un simple remake.