Franchement, je n'attendais pas grand chose d'un projet de long métrage à partir d'un court. Frankenweenie sentait les Noces Funèbres en pire. Au moins cette année là, il y avait Dark Shadows, un ravissement, donc pas de quoi se plaindre. Mais cette œuvre s'est révélée être une expérience totalement burtonienne, prenant à contre pied mes supposition de joli cadeaux familial un brin désuet (mais inestimable parce que made in burton, of course). Tout d'abord Frankenweenie délivre lors de(s) (la) première(s) ce qui constitue l'essence de la majorité de ses films : de la frustration. J'ai beaucoup rit lors de la première séance, je me suis amusé comme un fou à regarder ces personnages farfelus et grotesque, tout en ayant un mouvement de recul envers l'aspect graphique encore plus difficile à assimiler que ses anciens dessins animés en stop motion et aussi envers le fond de l’œuvre. Maintenant que je commence à être un cinéphile un peu expérimenté (ma troisième année de d'engloutissements filmiques), je suis agacé voire gêné par ce que cet inestimable monsieur Burton nous offre. Certes, c'est prenant et très sympathique, mais il y a un mélange déstabilisant de premier degré et de second degré, et puis on a une légère impression de bizarre dans l'ensemble. Alors qu'on attend une ambiance de malade qui nous plonge dans les confins les plus ténébreux de nos esprits tordus. Mais réfléchissons un peu...ce côté étrange, n'est-il pas la touche burtonnienne si voracement réclamée ? En plus douce, moins flagrante. Il faut dire que ses sommets de noirceur des années 90 m'ont marqué à ce point là d'une part parce que je les ai découvert dans l'enfance (cela compte énormément) et d'autre part l'idée du ressenti que j'ai eu à mes premières visions s'est ancrée dans ma mémoire de manière si forte qu'elles restent légendaire à mes yeux. Ceci influence beaucoup, amène l'inévitable déception en comparaison avec le passé, mais cette déception, nous la créons nous même de toute pièce. Et si Burton était là, enveloppant de brumes noires aussi bien Frankenweenie 2012 que Edward aux mains d'argents. Si l'on suit ma logique précédente, on ne peut pas avoir la réponse. Mais Frankenweenie, en sa qualité de remake, m'a apporté la clé : oui, Burton livre des films dont le style me fascine tout autant qu'auparavant, oui Dark Shadows est bien un chef d’œuvre important de sa filmographie (moi qui ait longtemps hésiter à le clamer, hésitant à le classer parmi une série B luxueuse ultra attachante). Il suffit pour cela de comparer les deux versions de Frankenweenie, de revoir Edward, enfin ses films se déroulant dans l'Amérique moyenne des années 60, et bon sang, la ressemblance saute aux yeux ! Elfman qui se renouvelait dans Dark Shadows sans pour autant casser la baraque réussit ici à créer un thème principal génial et une bande son envoûtante et originale ! Frankenweenie est une œuvre profondément musicale, c'est lors de cette perle de chanson sur la New Holland que l'ambiance sombre et décalée, insaisissable, culmine à son sommet. On est dans le film, et dans ce film il n'y a plus que ce village qui existe, on se sent coupé de tout sous ce ciel noir nimbé d'éclair, et c'est ça que j'aime le plus et depuis toujours dans le cinéma de Burton. Le final cataclysmique, aussi divertissant qu'intelligent, véritable tourbillon de références jouissives, se montre à la hauteur des plus puissants finals burtoniens, de la montée épique dans les délires de l'au de-là dans Beetlejuice à haletante poursuite burlesque dans les studios d'Hollywood de Pee-Wee, d'ailleurs, ce dernier et notre nouveau Frankenweenie entretiennent plus d'un point commun ! J'ai du le voir une seconde fois pour le vivre différemment, pour le sentir grandir dans mon cœur, avec certes moins de rire (quoique), mais surtout plus d'émotions, en quantité et en diversité. Je n'en dirais pas plus. A l'avenir il faut cesser de considérer Burton comme un auteur fini, incapable de réitérer l'exploit de donner naissance à des œuvres qui nous affecteront autant que ses anciens chef d’œuvres. Je veux bien admettre qu'il semble à des lieues de ce qu'il était en matière d'originalité, mais cela est-ce indispensable à l'instillation de magie au sein de ses nouvelles réalisations ? Frankenweenie est peut-être même davantage un vieux Burton que Sleepy Hollow et Ed Wood, il nous démontre qu'il aurait tout aussi bien pu le réaliser à la place du vieux Frankenweenie. Certes aujourd'hui il dispose de technique plus récente, à commencer par la 3D (pas inutile sur Frankenweenie) et une maîtrise perfectionnée du stop motion. Sauf que justement ! La 3D date de Black Lagoon, et le stop motion a toujours été gravé dans les talents de Burton, et ce depuis Vincent. Faut-il encore que j'écrive des pages pour défendre cette œuvre ? Cela semble vain, car il a été encensé par la presse, mais là encore ils n'ont rien compris, y voyant une renaissance ou un acte décisif dans sa filmographie. Non, Burton est fondamentalement resté le même, en évoluant de façon parfois extrême, mais Frankenweenie est la confirmation ultime de la perpétuité de sa nature intérieure.