Un couple lambda se déchire et abandonne les apparences cordiales de leur ménage pour laisser exploser leur souffrance. «Das Herz ist ein dunker Walt» (Allemagne, 2007) de Nicolette Krebitz est un hurlement qui perce la masse des conventions qui l’étouffaient. Le film s’ouvre sur une scène de famille au ton joyeux, baignée dans une lumière ensoleillée mais légèrement ternie. Quittant son foyer pour aller répéter un concert, le père sera suivi par sa femme quand cette-dernière se sera rendu compte qu’il a oublié son instrument de musique. Elle découvrira que son époux vit une double vie, est père d’un autre enfant, amant d’une autre femme. D’emblée, Krebitz dispose la figure de l’homme en bourreau et celui de la femme en victime. La suite se mue en lutte, la femme meurtrie dans sa dignité suit son mari à un concert privé qu’il donne dans un château. Le bal masqué qui y est donné légitime les rapports sexuels qui s’accomplissent aux quatre coins. Une des influences certaines de Krebitz est celle d’«Eyes Wide Shut». Les personnages similaires à ceux de Nicole Kidman et Tom Cruise arborent davantage les malaises qui les habitent. L’époque n’est plus la même. Le cinéaste non plus. La froideur dans laquelle s’exprime le cinéma allemand le plus singulier véhicule le malaise d’une société au cœur de l’Europe. Le couple en crise que dépeint Krebitz pourrait être celui de toute l’Europe. L’issue extrême que choisit la femme entend annihiler la situation, briser le malaise pour n’y laisser qu’un silence. Le ton cynique sur lequel Krebitz formule son film contrarie le plan que présageait la scène d’ouverture. Le film procède ainsi, par sorte de révélations. L’autre est un inconnu, une forêt obscure comme le dit le titre, dont l’exploration reste perpétuelle. Ce pourrait presque être un film d’Herzog adapté à l’échelle du quotidien d’une famille. L’aventure de l’amour et du sexe induit la découverte d’une part extrême de soi. Jusqu’au sacrifice.