Ah "Waterworld", un cas d’école, un film que l’on aime détester. Pourquoi ? C’est simple : "Waterworld" est l’exemple type du film qui avait un énorme potentiel grâce à de nombreux atouts mais qui s’est royalement planté suite à de mauvais choix, à des égos mal placés et une poisse incroyable. L’idée principale était tout simplement de faire un "Mad Max" aquatique et cette idée n’était pas mauvaise, bien au contraire ; d’autant plus que le pitch de départ (suite à la fonte des pôles, la Terre s’est retrouvée entièrement recouverte par les océans) était visionnaire pour l’époque puisque aujourd’hui on nous alerte constamment sur la probabilité que cette catastrophe survienne. Je vais être franc, j’ai trouvé "Waterworld" plutôt sympa, ce qui est vraiment dommage c’est qu’il s’auto-cannibalise à cause de choix malvenus….et c’est là qu’intervient Kevin Costner : alors qu’il était à l’époque l’un des acteurs les plus bankables des USA (et d’ailleurs son choix pour incarner le héros n’était pas stupide : il fallait bien Costner pour arriver à être aussi charismatique que Mel « Max » Gibson), Kevin Costner a eu alors la main un peu lourde niveau égo et a décidé que le film serait entièrement au service de son personnage, donc de lui-même. Le personnage du Mariner est donc un véritable héros classique un peu bougon mais toujours près à sauver les plus faibles de toute forme d’injustice. Il est grand, beau, fort, intelligent (
il est le seul à connaître la vérité de ce qui repose au fond des océans
), possède un don unique….l’homme parfait donc !! Il plaît aux hommes (cette virilité et cette ténébritude !!), il plaît aux femmes (il est charmant et cerise sur le gâteau, il refuse de toucher une femme qui s’offre à lui alors qu'il n’en a pas vu une depuis des lustres !) et il plaît aussi aux enfants (il abandonne vite son côté rustre pour devenir le papa adoptif de la gamine qui est le second protagoniste le plus important)…je peux comprendre que Costner avait envie de se faire mousser, mais l’exposition de son personnage va encore plus loin lorsque les « méchants » font carrément attardés à côté du Mariner : Dennis Hopper (un sacré acteur pourtant) cabotine à outrance pour incarner une sorte de tyran fasciste psychopathe qui passe son temps à boire et à fumer, et qui n’a rien trouvé d’autre comme armée que des gamins (
ils sont super contents quand on leur file des clopes !!
) qui agissent parfois à la limite de la débilité (
le type qui ne se rend pas compte que son bateau bouge et qui continue de tirer avec sa mitrailleuse alors qu’il allume ses collègues !
). Ce choix achève de plonger le métrage dans le ridicule…Pourtant, à la base le scénario avait été confié à David Twohy (déjà scénariste à l’époque des rigolos "Critters 2" et "Warlock 1&2" ainsi que du palpitant "Le Fugitif"…et qui confirmera plus tard en réalisant les bons "The Arrival", "Abîmes", "Pitch Black", "Escapade Fatale" et "Les² Chroniques de Riddick") ; malheureusement pour se dernier, il ne restera plus grand chose de son script après que la diva Costner y ait mis son grain de sel. Et voilà ce qui plombe totalement "Waterworld" : si Costner avait été plus humble (d’autant plus qu’à cette époque sa notoriété n’avait vraiment pas besoin de ce genre d’auto-propagande !), le film aurait pu se concentrer sur des idées un peu plus scénaristiquement intéressantes et les développer comme la séquence de la plongée sous-marine (la découverte de la vérité devrait être l’un des moments forts du film, éprouvant et rempli d’émotions…mais elle est simplement expédiée à la va-vite en deux minutes sans aucun remord) ou encore le mythe de « Dryland » dont le traitement est aussi mal fichu que le final dont il est tiré semble n’avoir ni queue ni tête. Mais le plus cruel dans cette histoire, c’est que les défauts de "Waterworld" ne font pas de lui un navet, non il y a autre chose de plus navrant qui a construit sa terrible réputation. Le film a en effet connu une malchance incroyable lors de son tournage en cumulant les poisses comme jamais : 01) le tournage, devant être effectué en mer, a nécessité une préparation longue de 18 mois ainsi que la construction d’un décor énorme et d’infrastructures conséquentes pour accueillir les équipes techniques. 02) lors du début du tournage, le scénario était encore incomplet. 03) des ouragans retardent les prises de vue. 04) des méduses attaques les acteurs et les techniciens 05) Costner qui a failli se noyer, provoquant ainsi le refroidissement des assureurs 06) l’assistant réalisateur et le concepteur des effets spéciaux démissionnent. 07) le fameux énorme décor finit par sombrer dans la mer. 08) des scènes sont ratées à cause d’explosifs trop humides par la proximité de l’eau de mer. 09) des cascadeurs blessés lors de prises. 10) Costner qui s’engueule avec le réal Kevin Reynolds, ce dernier rendant automatiquement son tablier. 11) Costner qui souhaite encore sublimer son image à l’écran en commandant d’onéreuses retouches numériques pour que son corps soit « au meilleur de sa forme » 12) Costner, qui a récupéré la casquette de réal après le départ de Reynolds, qui décide de terminer certaines séquences en studio plutôt que devoir encore affronter les caprices de la mer….toutes ces péripéties ont accumulé les retards et ont fait exploser le budget du film de 100 millions à plus de 175 millions de dollars ! (l’équivalent de 230 millions de dollars de nos jours !!). Et tous ces évènements malheureux sont rapidement arrivés aux oreilles de certains critiques qui n’ont pas hésité à casser du sucre sur le dos du film avant la fin de son tournage : avant même son arrivée en salle, "Waterworld" était déjà considéré comme un flop pur et dur…et il ne fallut pas longtemps pour le public pour suivre la mouvance et bouder la sortie en salle du métrage. Heureusement pour les investisseurs (et pour Costner), le film rapporta pas mal hors USA et l’exploitation vidéo depuis lui a permis de rembourser son capital départ. Histoire hors norme mais cruelle doublée d’un véritable cas d’école, "Waterworld" demeure aujourd’hui un petit film SF d’aventures potable, parfois inventif et souvent déjanté proposant des moments sympathiques (notamment des séquences avec de jolis effets pyrotechniques). Son principal défaut est d’avoir voulu rendre l’univers sombre et nihiliste de son modèle ("Mad Max 2") en une comédie d’action familiale façon Disney. Une énorme casserole que se trimballe toujours Kevin Costner et qui demeure encore aujourd’hui au sein du top 5 des films ayant coûté le plus cher.