En 1995, son nom était déjà derrière l'adaptation réussie par Taylor Hackford du roman Dolorès Claiborne de Stephen King. Des années plus tard, Tony Gilroy avait signé le scénario de l'Echange, d'Armageddon, qui succédaient à l'Associé du Diable. Mais c'était plus tard, avec son adaptation du célèbre agent amnésique Jason Bourne né de la plume de Robert Ludlum qu'il allait connaître réellement la consécration, par le biais de trois films unanimement appréciés. Le scénariste avait fait ses preuves, il était temps pour lui d'aborder un autre domaine et de s'intéresser à une autre facette du Septième Art, la mise en scène.
A la fois scénariste et metteur en scène sur Michael Clayton, Tony Gilroy réussissait avec brio son examen de passage, se découvrant une nouvelle vocation. Il n'abandonnerait pas son goût pour l'écriture, mais porterait désormais -dans une mesure du possible- ses histoires à l'écran.
Duplicity est le récit d'une arnaque subtile, complexe, comme on a pu le lire un peu partout, mais aussi, et surtout, celui d'un jeu du chat et de la souris entre deux personnes fortement attirées l'une par l'autre, qui ne sauraient se satisfaire de situations simples. Un jeu tout en nuances, qui suit une progression régulière tout en tournant en rond, et dont on ne sait jamais si les participants en sortent grandis, et si leur relation a franchi une étape ou non.
Le film s’ouvre sur la première rencontre entre Claire Stenwick, agent de la C.I.A., et Ray Koval, lui aussi officier du renseignement, mais auprès des services secrets du MI6. A l’occasion de ce premier face à face à Dubaï, en 2003, les deux espions noueront des liens très forts, un savant mélange de rivalité et d’attirance, difficiles à concilier au sein de l’univers paranoïaque du renseignement. Les années se succéderont, leurs chemins se croisant régulièrement au hasard des orientations prises par leurs gouvernements respectifs, tour à tour alliés, rivaux, mais jamais ennemis. Des années plus tard, Claire et Ray se retrouvent une fois de plus, au centre d’une sombre affaire d’espionnage industriel. De l’espionnage de haut vol, qui met leurs compétences, et leurs nerfs, à rude épreuve, alors que chacun travaille dorénavant pour des multinationales rivales.
La mise en scène de Tony Gilroy est originale. Elle affiche une forme plutôt classique au départ, dans sa présentation des différents personnages, pour ensuite donner l’impression de se fourvoyer, se laissant aller à l’une ou l’autre petite longueur. Le rythme de la narration s’en ressent, particulièrement dans la première partie. Mais ensuite, viennent en parallèle des flashs-backs, et le récit s’éloigne alors de la narration type. Ces flashs-backs font surface abruptement, et permettent de mieux comprendre le petit jeu auquel se livrent Claire et Ray. A chaque nouvelle rencontre, Les deux ex-agents commencent par se faire la gueule (car il n’y a pas d’autres mots pour résumer leurs confrontations, qui succèdent à de longues absences), pour enfin tomber dans les bras l’un de l’autre. En perpétuel conflit, quel que soit le lieu, le moment, leurs retrouvailles sont à chaque fois l’occasion de franchir un nouveau pas dans leur relation, leur attirance, et aussi leur rivalité.
Quand Tony Gilroy aborde la seconde partie, il n’est pas vraiment le même homme. Il semble soudain avoir une nouvelle idée en tête. Le rythme s’accélère, difficile de ne pas le remarquer. Claire et Ray sont alors irrémédiablement engagés au cœur d’une dynamique, ils ne peuvent plus se défiler. La « formule magique » qu’ils tentent de dérober paraît toute proche, presque à portée de main, mais comment la subtiliser à l’insu de leurs puissants commanditaires ?
Dans ce petit jeu épicé, jusqu’au bout, les comédiens ont su tirer leur épingle du jeu. Dans les rôles de Claire Stenwick et Ray Koval, Julia Roberts et Clive Owen partagent à nouveau la même affiche (le couple était aux côtés de Nathalie Portman et Jude Law dans le Closer de Mike Nichols), avec un bonheur manifeste. Ils donnent vie à deux êtres complexes, sans attaches, apparemment condamnés à ne jamais pouvoir se faire confiance, tout en étant sur la même longueur d’ondes.
Mais au final, ces deux « décalés » parviennent à une conclusion toute naturelle : ils n’ont rien d’autre qu’eux-mêmes, sont les seuls à pouvoir se comprendre, au beau milieu d’un monde qu’ils ne comprennent pas autant qu’ils le pensent, un monde qui ne les comprend pas.
Face aux deux stars têtes d’affiche, les comédiens Tom Wilkinson et Paul Giamatti n’ont aucune peine à être diablement convaincants, dans la peau de deux hommes d’affaire rivaux, magnats de l’industrie du cosmétique, qui se vouent une haine indescriptible. Opposés dans une lutte à mort, la mise sur le marché d’une innovation révolutionnaire devrait consacrer la toute puissance de son détenteur. C’est pour cette raison que les deux ennemis ont engagé la crème des espions afin, pour l’un, de s’assurer la conservation de la formule s