(sadomasochisme + érotisme) x Fiction ÷ Histoire = Nazisme ? Equation qui met en avant un sacré problème de représentation. Peut-on utiliser les symboles les plus forts comme prétexte/contexte narratif ? C'est la question que je me suis posé en voyant ce film. En lisant à droite et à gauche quelques articles sur cette réalisatrice que je ne connaissais pas avant de voir ce film, j'appris qu'elle s'inspira de témoignages d'ex-détenues de camps de concentrations durant la second guerre mondiale pour écrire son script. Il en est sorti donc une histoire sur un sujet tabou, peut-être l'un des plus tabou du XXe siècle: une histoire d'amour entre un ancien SS et une survivante d'un camp. Après avoir vu ce film, la question du camp justement et de sa représentation, m'a profondément énervé. J'y ai vu un bordel, non un espace d'épuration. J'y ai presque vu une sorte de gentille dépravation. Je ne dirai pas que la réalisatrice nie l'histoire des camps, mais je lui reproche le grotesque de ces scènes face à l'horreur de l'Histoire. Je lui reproche surtout le fait de se servir d'un contexte pour mieux exposer la relation sadomasochiste des deux personnages principaux. Assez en vogue dans les années 70, le nazisme, symbole de mort était devenu un symbole érotique voir porno chic. La scène façon cabaret où Charlotte Rampling pousse la chansonnette, affublée d'une casquette d'officier SS et seins nus, en est le parfait exemple. Voilà donc ce que sont les nazis dans cette imaginaire 70's, l'incarnation de la débauche sexuelle. Bien que l'idée de contamination semble être intéressante au point de toucher les victimes de ce "concentrationnisme", tout ça n'est que très superficiel malheureusement. Le cheminement vers ce syndrome de Stockholm n'est jamais montré, ou seulement esquissé par flashback où l'on voit des jeux pervers entre Max le SS et sa "little girl". Scènes à mon sens gratuites, sortant de nulles part ou plutôt de l'esprit dérangé de Max qui se rappelle au bon souvenir des camps. Une scène de sodomie entre deux hommes nus, donc sans rôle (s'agit-il de deux détenus, de deux officiers, d'un officier et d'un détenu?) plante le décors. Et pendant qu'on s'encule, d'autres crèvent, hors champs. A l'image de Charlotte Rampling en tenue d'officier, l'Histoire dans ce film est complètement travestie. Comme la langue de tous ces anciens SS qui parlent Anglais entre eux. Sur ce dernier point malheureusement, ce film n'est pas le seul à céder face à un impératif commercial, ce que je ne comprendrais jamais d'ailleurs. Ce qui revient à se demander, pourquoi prendre comme cadre le nazisme, si c'est pour le dépouiller de son essence et en faire une représentation irréelle? Ce cadre aurait très bien pu être abstrait, cette histoire d'amour n'en aurait pas souffert au contraire. Portier de Nuit, malgré tout, possède des qualités indéniables et se serait donc dommage de ne pas en parler. Il y a une ambiance, nocturne d'abord, puis sans temporalité vers le dernier tiers du film qui sombre dans la folie des protagonistes. Il y a deux acteurs, souvent géniaux, bien que risibles par moment notamment Bogarde qui pousse un peu trop le maniérisme de son personnage. Puis il y a ces réunions d'anciens nazi qui très hypocritement essayent de se déresponsabiliser et de retrouver une place dans la société en effaçant toute trace de leurs passés sans pour autant abjurer leur idéologie nazi. Ce point là est à mon avis un peu traité par dessus la jambe, mais a le mérite d'être énoncé, véritable fait de société dans l'Autriche en pleine dénazification . Portier de Nuit finalement trouve un peu sa justification dans cette phrase dite par Max. S'il a choisit de travailler de nuit c'est qu'il ne supporte pas la lumière du jour, par honte de ses actes. Malgré cette honte il répétera le même schéma, incarcérant de nouveau sa "little girl" jusqu'à s'enfermer à son tour. On pourra bien sûr contre-argumenter cette critique en disant que Max est un cas isolé et ne peut incarner à lui seul le nazisme, mais sans contre point, la "partie" devient le "tout".