En articulant toutes ses intentions formelles autour d'une représentation minimale du quotidien, Hou Hsiao-hsien prend le risque d'accoucher d'une œuvre limité. Cependant "Goodbye South, Goodbye" est un exercice de style passionnant, à la mise en scène moins préoccupée par sa diversité que par les varations d'un nombre resserré de procédés.
Ainsi, le cinéaste illustre une période trouble, tant économiquement que socialement, pour Taïwan (rétrocession de Hong-Kong), en suivant la vie de tous les jours d'une poignée de petits malfrats. Ces derniers rêvent tous d'un ailleurs, d'une nouvelle vie dans un pays capitaliste comme l'Amérique ou la Chine, loin de leur quotidien étouffant.
Presque exclusivement composée de plans-séquences, dont le rétrécissement du cadre accentue ce sentiment suffocant, la mise en scène déroute tout d'abord par sa fixité, à la limite du théâtre filmé, avant de se révéler pleinement. Car cette rigidité, en plus de conférer au film un aspect documentaire puissant au vu de la contemporanéité de son sujet, permet aux instants de liberté, formels comme narratifs, de marquer davantage leur empreinte. Ces parenthèses - majoritairement des séquences de mouvements en véhicule, rien d'anodin donc - sont l'occasion d'expérimentations de montage plus anecdotiques, comme le fait de tourner un plan night-shot en plein jour, mais dont le véritable attrait est qu'elles opèrent des pauses nécessaires quant à la gravité qui plane sur le récit.
Cependant, dans sa dernière demi-heure, le long-métrage opère un basculement narratif hasardeux, dans une vaine tentative de renouveler ses thématiques, exposant ainsi les limites de sa mise en scène. Ce choix, de favoriser une narration plus étoffée, mais aussi plus convenue, au dépend d'une construction lancinante, n'empêche pas une conclusion satisfaisante, mais réduit grandement l'impact de ce qui a été accompli jusqu'alors.
"Goodbye South, Goodbye" captive de bout en bout, et ce malgré ses imperfections, par une vision formelle radicale qui capte les angoisses d'une génération, mais aussi par sa capacité à constamment surprendre le spectateur sans user du moindre artifice.