"Precious" avait tout du film à oscars en apparence. Film à la réalisation académique et à l'histoire pleine de bons sentiments, le long-métrage de Lee Daniels ne laissait pas présager le meilleur. Et pourtant... Pourtant, je dois admettre que les apparences sont parfois trompeuses. "Precious" n'a rien du film à oscars classique. Au contraire, il s'agit d'un ovni cinématographique terriblement pessimiste. Lee Daniels nous plonge dans un univers malade et sordide ou une jeune-fille provenant de Harlem subit les maltraitances de sa mère, en plus de se faire violer par son propre père. Là ou l'histoire à l'eau de rose serait arrivé à toute allure avec la jeune fille qui s'émancipe de ce milieu et parvient à trouver pleinement sa voie dans la vie, Daniels détourne ce chemin pour plonger son film encore plus dans la noirceur de son propos. De ce fait, j'ai été agréablement surpris par "Precious", dans sa façon de plonger dans certains clichés avant de les détourner purement et simplement pour accentuer le malaise. En gros, on ressort du film avec un sentiment de dégoût et de peine face aux événements survenus à l'écran. Et c'est tant mieux. Lee Daniels, au risque de s'attirer les foudres des spectateurs (spectateurs qui finalement ont bien adhéré au film dans l'ensemble, à voir les critiques et les notes des internautes) traite de son sujet sans concessions, quitte à filmer des choses ou des discours vraiment dégueulasses. Toutefois, malgré cette audace rare pour un film à oscars, "Precious" n'est pas parfait. Sur son côté scénaristique, certains éléments ne servent à rien comme l'introduction du couple lesbien par exemple qui semble être là uniquement pour rentrer à fond dans la catégorie de la tolérance (attention, je n'ai rien contre les lesbiennes, je trouve juste que pour le film, ça ne sert en rien son propos). Là ou j'ai moins adhéré, c'est envers la réalisation. Lee Daniels cherche et tente des choses esthétiques, mais ça ne fonctionne pas toujours non plus. Entre des pastiches de films d'auteurs en noir et blanc ou des séquences clipesques digne des "meilleures" émissions de télé-poubelle, le style de Daniels se cherche sans toutefois se trouver et c'est dommage. Car à l'inverse de nous faire plonger entièrement dans le récit, ces séquences nous apporte plutôt un gigantesque recul par rapport au quotidien de Precious. Là ou on doit être attristés, ressentir de la compassion, on ne ressent plus rien de tout ça et on se surprend même à rire. Je doute que ce fut le but de Daniels. En outre, la dernière partie du film fonctionne mieux sur le plan de l'émotion, lorsque l'horrible monologue de la mère nous donne un vilain coup de poing en pleine face. "Precious" est un film qui possède d'innombrables qualités, autant que de défauts malheureusement. Il en demeure un ovni particulièrement intéressant, mais dans le genre, il y a mieux.