CES ESPACES SILENCIEUX : J'avoue, je partais déjà presque conquis ; ce rapport à la nature, cette beauté dans les paysages, ces moments contemplatifs, cette nostalgie évoquée par la voix d'un narrateur se remémorant ces vacances d'été dans l'osmose d'un cercle clos, une mare, des sensations, des rencontres entre le visible et l'invisible ; c'était très Proustient tout ça, j'étais emballé... Quelle ne fut pas ma déception ! D'abord, parlons des points positifs : les images sont merveilleuses et cette immersion au sein de cette nature sauvage, de ce microcosme intérieur, inexplorée plaisante. Malheureusement c'est à peu près tout. « La Clé des champs » s'apparente à un documentaire ; j'attendais beaucoup plus. Le soucis c'est que ça se cantonne à filmer, de superbes photographies, une voix pour narrer le tout et deux enfants qui se rencontrent à travers les coquelicots et se comprennent ( parce que les enfants se comprennent ). Mais jamais on ne touche le cœur des choses, la nostalgie n'apparait pas, l'histoire étant trop centrée sur l'enfant et l'adulte disparait. Or pour une nostalgie il faut deux êtres proches qui s'éloignent temporellement, au moins dans une temporalité. Mais le « moi » jeune paraît trop proche du « moi » adulte, trop semblable pour être réel et souffrir de ce décalage, car c'est bien de souffrance qu'il s'agit lorsque l'on se contemple calme et oisif sur l'herbe, bienheureux, insouciant, vivant. Autre détail qui m'a gêné : la banalité des propos et des tournures de la narration avec le symbolique éculé autour du champ lexical de la nature, du soleil, du vent, des sensations internes, de la joie etc etc Rarement surprenant, sur la fin parfois : « les fils de la vierge » par exemple, là c'était une trouvaille, c'était poétique... Et puis, en plus d'être peu attrayante, innovante, la voix est trop présente et gâche les contemplations, les arrêts sur image où l'esprit peut se délecter, reposer de la pureté d'une nature encore libre. Dans ce sens, la musique légère qui berce la totalité du film est des plus déplaisante et empêche également de s'introduire entièrement dans l'âme des êtres, les bruissements du vent, le soleil, la verdoyante paresse des trous d'herbes où l'on s'allonge. Pour résumé la contemplation semble plus appelée que happante ; peut-être eut-il fallut supprimer toutes ces surcharges superflues, ces redondances dans la force pour atteindre au fond une profondeur véritable, proche de ces rouages que nous ne comprenons pas. Car au final, nous ne faisons attention à rien, nous ne découvrons plus rien de nous même. « La Clé des champs » n'atteint jamais la pureté, la grâce divine que j'attendais avec plaisir et impatiente. Les êtres inanimés, les choses vivantes et le reste...