Du caniveau à la vie bourgeoise, c'est l'histoire de Katie (ou Keetje) Tippel, celle de l'ascension sociale d'une jeune femme dans l'Amsterdam du XIXe siècle.
Pour son troisième film, Verhoeven bénéficie d'un gros budget et nous transporte dans l'Amsterdam du XIXe siècle pour suivre le parcours de Katie, de son arrivée dans la ville à ses premiers pas dans la haute société en passant par ses petits boulots, ses joies et déceptions, ses rapports avec sa famille et diverses rencontres, notamment avec des artistes. Portrait d'une femme persévérante et prêt à se battre, Verhoeren reste braquer sur cette belle femme, la rendant fascinante.
Mais l'intérêt de l'oeuvre se trouve aussi dans son tableau de la Hollande du XIXe siècle. S'ouvrant de fort belle manière avec le trajet en bateau, il met d'abord en avant l'exode des campagnes vers les grandes villes puis, à travers le destin de Katie, capte la pauvreté puis la bourgeoisie de son pays, sa façon de vivre, les coutumes, les boulots, les dictates de cette époque... Mais c'est aussi une véritable critique sociale et il met en avant la montée du capitalisme, le pouvoir de l'argent et l'oppression puis la répression des classes dominantes face aux prolétaires (souvent mené par des intellectuels et/ou des artistes). L'une des forces du film, c'est de mettre cette critique et ce tableau toujours en lien avec la montée de Katie dans la société et sa vision du monde à elle, mais aussi avec l'une des thématiques chères à Verhoeven, à savoir la nature humaine, ses pulsions, sa bestialité et ce à tout point de vue ou encore sa cruauté, parfois mis en avant par des humiliations subies pour quelques sous.
Verhoven démontre déjà tout son talent derrière la caméra et capte à merveille tout cela, donne de l'émotion et de la puissance à ce portrait, faisant passer le spectateur par diverses émotions, de l'antipathie à la joie. À l'image de ce qu'il met en scène, il n'hésite pas à montrer le sexe, la nudité et la violence de manière explicite mais jamais inutilement ou lourdement. Il sublime la belle Monique ven de Ven à l'inoubliable sourire et chevelure qui va passer de la crasse à l'élégance avec un naturel éblouissant. On retrouve aussi Rutger Hauer qui, à l'image des autres interprétations, est impeccable lui aussi. Verhoeven bénéficie aussi d'une très belle reconstitution, qu'il met très bien en avant pour mieux nous transporter à cette époque.
Verhoeven livre là son unique film d'époque mais quel film ! Portrait passionnant d'une jeune femme qui passera de la plus dégradante des pauvretés à la richesse et l'élégante dans un Amsterdam du XIXème siècle qu'il ne manque pas de mettre en valeur.