Shutter Island, adaptation relativement fidèle à l’œuvre de Dennis Lehane, prouve, si besoin en est, que Martin Scorsese a définitivement trouvé sa nouvelle muse en la personne de Leonardo DiCaprio. Oui, faisant suite à Aviator, Gangs of New-York et les Infiltrés, voilà une quatrième collaboration entre les deux pointures qui débouche sur l’avènement d’un thriller horrifique, psychologique, rondement mené. La mise en scène léchée, esthétiquement impeccable, du metteur en scène new-yorkais et l’interprétation hors norme de l’acteur maintenant confirmé comme étant l’un des tous meilleurs de sa génération rendent un hommage cinglant au roman du Lehane. Si Shutter Island n’est pas le récit le plus conventionnel dans la bibliographie de l’auteur bostonien, il n’en reste pas moins que celui-ci était prédestiné à une adaptation cinématographique, mais pas n’importe laquelle. Il fallait en effet du panache et de l’inventivité pour mettre en scène un film que l’on peut aisément visionner sous trois angles bien distincts.
Comme mentionné plus haut, tout est ici mis en œuvre par le cinéaste pour un rapprochement élégant à l’univers du thriller horrifique. Foncièrement sombre, le récit propulse le public dans les méandres d’un esprit bipolaire, si l’on veut bien. Oui, même si l’idée de base est franche, le film, tout comme le bouquin, offre deux lectures simultanées. Le doute est inscrit dans chaque ligne du script, alors même que l’acteur vedette signe une prestation des plus emblématiques qui perturbe autant qu’elle éblouit. Tout est fait pour ne pas accéder si facilement à un final ni attendu ni réellement imposé. En somme, un certain nombre de pistes sont laissées le long du chemin qu’empreinte le dénommé Teddy Daniels, croisant sur son dernier sentier vers sa destinée les routes de superbes composition telles que notamment l’excellent Sir Ben Kingsley ou encore Max Von Sydow. Quant à Mark Ruffalo, celui-ci compose un compagnon de route inattendu, un excellent moteur pour l’avancée du personnage principal.
Difficile alors de parler de Shutter Island sans en dévoiler les plus infimes détails, sans en compromettre le scénario en spoilant par inadvertance l’un des quelques subterfuges qui ôtera l’envie au novice de se plonger dans le film. Pour autant, sachez que si Scorsese n’en n’est pas à ses débuts, loin s’en faut, il signe là un film plus ou moins inattendu du fait que le thriller n’est pas foncièrement son genre à lui. En gros, le cinéaste démontre qu’il est capable de tout, alors même que la lecture du roman lui a imposé cette mise en scène en faisant un saut de puce sur tout un tas d’autres projets. Brillant autant dans la forme que sur le fond, le metteur en scène prouve sa dévotion à tous les genres et sous-genres.
Superbe film que Shutter Island, c’est vrai, parfois trop distant, parfois langoureux, mais toujours alerte. Le jeu auquel nous soumettent Dennis Lehane et Martin Scorsese est jubilatoire, ne boudons pas notre plaisir. Pour autant, sans la photographique exceptionnelle du chef, sans l’interprétation solide de Leonardo DiCaprio ou encore sans le sublime bande originale, avouons que le film n’aurait pas eu la même saveur. Pour ceux qui aurait raté cet excellent drama en 2010, qui aurait fait l’impasse dessus depuis sa sortie dans les bacs, il est grand temps de se rattraper. 17/20