Depuis "Millenium", qui a échappé au domaine de la littérature policière pour devenir un fait de société, le polar nordique a le vent en poupe: Heinrich Mankell, Arnaldur Indridason l'islandais...C'est lui qui a été adapté par son compatriote, le très doué Baltasar Kormakur. La caractéristique de ces polars venus du nord, c'est que ça ne se presse pas, au fil des lents zigzags de l'action, on perd parfois un peu le fil. Par contre, ça se prête admirablement à l'adaptation cinématographique. Oh, ce n'est pas l'Islande de carte postale où de joyeux baigneurs s'ébattent dans une source chaude sur fond de geysers.. Ce pays l'hiver est baigné d'une lumière sale. Kormakur a choisi des couleurs délibérément fausses, une tonalité générale gris verdâtre qui ajoute au climat oppressant du film. Autour du commissaire Erlendur empêtré dans ses problèmes de famille -la fille junkie dont il a la charge- deux affaires s'entrelacent, une d'actualité, une autre vieille de 20 ans, et à chaque fois, une petite fille morte d'une tumeur au cerveau. On met longtemps à comprendre comment le passé et le présent vont se renouer. C'est glauque, angoissant, admirable, et admirablement joué, Erlendur et ses deux comparses ont exactement l'allure que, sans les connaître, on leur prêtait....
Et puis, l'Islande, c'est exotique. A côté de cela, la Papouasie, c'est Bécon les Bruyéres: imaginez vous seulement au self de la cantoche, commander à la place du hamburger -frites une tête de mouton bouillie, qui se bouffe à peu près intégralement en y mettant un peu les doigts....
On savait que Kormakur promettait d'être un grand cinéaste. La voilà lancé dans le grand bain. Bonne chance Baltasar!