Avec "Le Ruban blanc", on comprend dès le générique qu'on n'a pas affaire à une bluette. Pas de couleur, pas de musique. L'écran est noir, les noms défilent en blanc dessus, et c'est tout. Il faut dire aussi que le film a obtenu la Palme d'Or à Cannes et l'on sait que le festival n'a pas pour habitude de récompenser des comédies populaires faciles... Un homme âgé se souvient et raconte en voix off ses souvenirs d'avant guerre, ceux de l'été 1913 au cours duquel se produisit une étrange série d'accidents dramatiques dans le petit village du nord de l'Allemagne où il était instituteur. Microcosme représentatif d'une société rurale verrouillée, soumise à l'autorité toute puissante de quelques notables influents, la vie des habitants n'est que labeur et trime aux champs. Peu de loisirs, peu de plaisir, chacun vit au jour le jour avec un fatalisme résigné. Et le dimanche à l'église, c'est pas plus gai. Les prêches accusateurs du pasteur renvoient les âmes à leurs péchés, à leurs imperfections, le discours évoquant plus un dieu comminatoire que miséricordieux. Mais c'est derrière les portes des notables que l'abjection atteint son paroxysme. Aucun ciment affectif entre les murs, juste des rapports d'autorité/obéissance basés sur une éducation ultrarigoriste, mélange de cruauté sadique et de perversion. Sous le joug destructeur de l'humiliation, les enfants affichent des visages fermés au regard creusé et portent sans broncher le ruban blanc, noué dans les cheveux ou en brassard, pour leur rappeler au quotidien leur devoir de pureté. L'histoire d'amour entre l'instituteur et une jeune paysanne apporte un rayon de lumière dans cet univers misogyne à la noirceur absolue, d'où aucune échappatoire ne semble possible... à moins, peut-être, de tendre un fil entre deux arbres, ou de forcer la main à Dieu en jouant les équiibristes... Réflexion sur l'enfance, l'innoncence, le bien, le mal, certains ont analysé le film comme une explication aux racines du nazisme. Sans rien démontrer, Michael Haneke laisse le spectateur libre de l'interprétation, ouvrant simplement des pistes. Du grand art.