Palmé à Cannes en 2009, le Ruban blanc mérite amplement sa récompense. La Pianiste, datant de 2001, poussait l'horreur à l'explicite sur le plan physique, intellectuel et psychanalytique. Le Ruban blanc, au contraire, joue sur le non-dit, l'implicite, et cela le rend encore plus dérangeant que son prédécesseur. Il y a, dans cette oeuvre crépusculaire, non seulement les prémices de toute la cruauté du XXe siècle, mais également celle qui nous attend, celle de nos temps actuels. Michael Haneke est sans contexte l'un de nos plus grands réalisateur européens. Sa volonté de comprendre les sources mêmes des idéologies totalitaires, notamment celles du fascisme et du communisme, se retrouve dans son film par les voies de l'autorité, de l'injustice, de la suspicion, du refoulement -comme l'inceste et l'interdiction arbitraire-, mais aussi par la religion, et plus généralement par l'endoctrinement et le
communautarisme. Haneke refuse de montrer, d'expliquer, voire même de raconter, malgré la voie du narrateur, rendant les hypothèses encore plus libres de supposition. L'horreur, quant-on ne la voit pas, est encore plus effrayante. Les comédiens sont tous extraordinaires, comme Burghart Klaußner dans le rôle du pasteur. Il ont l'avantage pour nous de ne pas être connus outre-Rhin, ou peu, les imprégnant automatiquement d'une personnalité qu'on ne peut extirper de leur physique. La grandeur du réalisateur n'est pas de tomber dans la démonstration, dans la leçon, mais bien de montrer ce qui, peut-être, n'est qu'une possible réalité. Ainsi, le Ruban blanc ressemble à un essai romanesque, tel un conte, sur la cruauté inconsciente de l'Homme, dépassé par sa condition d'Homme faible, incapable de comprendre quel mal le ronge et pourquoi il le reproduit. Car c'est bien là qu'une question cruciale est posée, à savoir celle de la reproduction du Mal. Entre réalisme et poésie, réalité et fantasme, le Ruban blanc constitue une des plus belles leçons de cinéma de ces derniers temps.