Tous ceux qui imaginent qu’un film mettant en scène la ville de Versailles se doit de faire participer roi et figurants en costume d’époque, option perruque, de la même façon que tout film américain se déroulant à Paris doit montrer la Tour Eiffel sur fond d’accordéon, risquent d’être surpis par le premier long métrage de Pierre Schoeller. Les autres aussi d’ailleurs. Traversé de contrastes forts, “Versailles” s’ancre, en effet, dans la réalité sociale de son époque, la nôtre, et place à proximité l’un de l’autre, un symbole ostentatoire de richesse (le chateau) et un groupe de sans-abris vivant dans le parc du domaine. Partant d’un constat alarmant (plus de 900 000 personnes en France vivent aujourd’hui dans des abris précaires), le metteur en scène s’interroge ainsi sur une éventuelle persistance de la société de privilèges, mais n’en oublie pas pour autant de construire une histoire solide. Celle qui va unir l’un des SDF, Damien, au petit Enzo, abandonné par sa mère, et qui permet au duo formé par un excellent Guillaume Depardieu et le jeune Max Baissette de Malglaive (impressionnant de naturel pour sa première expérience devant la caméra) de nous offrir les plus belles scènes de ce film qui accuse quelques longueurs sur la fin. Mais ce léger défaut ne l’empêche cependant pas de nous toucher de bout-en-bout, dans la mesure où Pierre Schoeller parvient constamment, malgré un ton très dur, à éviter les pièges du misérabilisme et de la provocation facile, pour mieux se concentrer sur les personnages qu’il a placés au centre d’un récit finalement plus positif qu’il serait possible de l’imaginer, au premier abord, lorsqu’il montre que le chômage peut ne pas être une fatalité. Surprenant à plus d’un titre, “Versailles” n’est donc pas un film d’époque, mais un mélodrame juste et touchant, et qui sait émouvoir sans tirer, avec abus, sur la corde sensible.