Elle est un géant perdu dans les ravages d’un tsunami. Lors de la Nouvelle Vague, sous la prestance médiatique des Truffaut, Godard, Chabrol, Rohmer et Rivette, Agnès Varda réalise en 1962 l’un des plus beaux films français : «Cléo de 5 à 7». 46 ans plus tard, elle demeure trop peu connu du grand public, seuls les cinéphiles avertis savent qu’elle n’est pas seulement la femme de Jacques Demy et l’ami de Chris Marker. Auteur de nombreux courts-métrages, comme Luc Moullet, elle réalise à l’occasion des longs-métrages dont chacun marque une étape clé dans une œuvre longue, méticuleuse, ludique et gonflée de joie de vivre. A 80 ans, la réalisatrice réalise «Les plages d’Agnès». Ce film-somme (par l’étendue historique qu’il couvre –au moins toute la vie de la cinéaste-) se résume au portrait d’Agnès par Varda. Les plages du titre sont des pages sur lesquelles se miroitent les souvenirs et les visages, les instants passés et ceux qui se profilent à l’horizon. Agnès Varda a bien vécu, elle a autant marché sur les creux du littoral, dans «La Point courte», son premier long-métrage, qu’au-delà de la ligne d’horizon, dans «Lions love», film hippie réalisée aux Etats-Unis. La poésie du film s’imprime sur celle de son œuvre. Avec ce film-testament (non pas dans le sens où il signe un arrêt mais dans la mesure où il récapitule une œuvre entière), Varda évite toute exégèse sur elle et son cinéma puisque dorénavant, elle a tout dit de ce qu’il y a à savoir sur elle. Toutefois, en déplaçant le film aux dimensions sociales, celles qui concernent directement le spectateur-citoyen, «Les plages d’Agnès» relèvent de peu d’intérêt. Comment la vie d’une artiste de la Nouvelle Vague peut-elle intéresser le néophyte ? Dans l’idée qu’il pourra alors disposer des clés pour comprendre son œuvre. Mais c’est lui enlever le plaisir de trouver ces clés au sein même des films de Varda. Autobiographie sans être égocentrique, «Les plages d’Agnès» est un précieux document et un film agréable.