L’auteur d’un film, qui est-ce aujourd’hui ? Selon les périodes et les lieux dans l’Histoire du cinéma, l’auteur a tantôt était le scénariste, le producteur, l’acteur ou le réalisateur. «L’Agnosie visuelle» (France, 2008) de Guillaume Meigneux, réalisé dans le cadre de Fresnoy, interroge la légitimité de l’auteur sur la fiction de l’œuvre. Présenté comme un documentaire, ce court-métrage sur André S. Labarthe, éminent théoricien du cinéma, se scinde en deux parties introduites par un léger préambule. La silhouette d’un homme à chapeau se détache au fond d’une rue ascendante et approche de la caméra. André S. Labarthe rejoint le cameraman et entre chez lui. Le sujet du film, disons plutôt son objet, est introduit. Dans la première partie, Labarthe raconte une anecdote dans un salon de bar qu’il interrompt à deux reprises pour aller donner une information à une personne hors champ (l’acte de Labarthe, prévu, évoque les réitérations eustachiennes). Dans la seconde partie, Labarthe s’entretient avec un ami loquace sur une expérience cinématographique qu’ils mènent depuis quelques temps et qui consiste à filmer chaque année une minute d’un même coin de rue. Meigneux interroge sa responsabilité en se chargeant du montage sans couper quoique ce soit. Pour confectionner le film, il a seulement réuni les trois bobines qui correspondent aux trois instants de l’œuvre, en laissant même les amorces, et il a positionné les intertitres. Le réel seul et Labarthe font le film, Meigneux n’ayant que cadré. Dès lors, où se situe son engagement dans la confection de l’œuvre ? Nulle part sinon dans la délégation de son autorité à la personne d’André S. Labarthe. L’agnosie visuelle, cette incapacité de la vue à reconnaître les perceptions sensibles, se situe à ce niveau là, dans l’incapacité de percevoir qui est l’auteur. Par là, Meigneux s’oppose à une pratique rendue banale dans le cinéma européen : la pré-valorisation systématique de la notion d’auteur sur celle de réalisateur.