La vie devant ses yeux
Un film de Vadim Perelman
Briar Hill est une petite ville paisible du Connecticut. Elle ne l’a pas toujours été. Il y a une quinzaine d’années, un massacre inexpliqué s’y est déroulé, au cœur du lycée.
Dans le Hillview High School, une fusillade avait alors enlevé la vie à de nombreux lycéens. Une fusillade comme les établissements américains en sont malheureusement parfois le théâtre, horrible et imprévisible, et qui plongea toute la petite communauté dans la stupeur. Diana McFee, adolescente au fort tempérament, avait perdu ce jour-là une grande partie des membres de sa classe, échappant de justesse au massacre, dans des circonstances assez mystérieuses.
Bien des années plus tard, Diana mène une existence confortable, entre les cours sur les beaux arts qu’elle enseigne à l’université, son époux, lui-même professeur émérite, et sa fille, Emma, une adorable petite fille, rebelle à ses heures, et qui lui rappelle sa propre enfance. Sa vie est bien remplie, raisonnablement active, et n’est pas dénuée d’imprévus, lesquels ont souvent Emma pour origine. Il n’y a guère que cette fameuse semaine, au cours de laquelle le massacre perpétré par l’un de ses camarades de classe, Michael Patrick, est remémoré, qui lui pose problème. Durant cette semaine, Diana est envahie par des sentiments contradictoires la faisant douter, au point où elle en vient parfois à éprouver des difficultés à discerner le monde réel des visions issues de son imagination. Sans cela, son existence serait on ne peut plus normale, bercée par un train-train douillet. Et mérité, serait-on tenté d’ajouter, au regard du traumatisme qu’elle a traversé.
Au cœur de sa petite banlieue proprette, Diana n’a pas pu effacer le souvenir de cette journée, pas plus que celui du visage de ses camarades enlevés par la démence de l’un des leurs. Le metteur en scène a illustré ce passé qui ressurgit par des flashbacks aussi réels que possible. Le passé remonte en effet à la surface, mais il le fait progressivement, paraissant plus compliqué à chaque flash.
Vadim Perelman a construit son film sur deux niveaux, qui fonctionnent en parallèle, le second (l’adolescence mouvementée de Diana) dévoilant à chaque scène un peu plus le premier (Diana adulte), et la vérité. Quand l’imagination de Diana se met à lui jouer des tours, la ville est au cœur des préparatifs de la cérémonie de commémoration de ce jour noir. Ses troubles vont s’amplifiant, le film évoluant alors aux frontières d’un autre genre, qu’il maîtrise peut-être moins. De thriller, La vie devant ses yeux se mue alors en film à tiroirs lorgnant sur le Fantastique. Certaines scènes pourront paraître plus conventionnelles, mais n’empêchent pas le film de monter d’un cran dans la tension.
Jusqu’au final, qui propose une relecture intégrale de l’histoire. La comédienne Uma Thurman est parvenue à faire oublier son physique de mannequin, au profit d’un personnage blessé, âbimé par la vie, qui peine à trouver un équilibre. Perdue au cœur d’une conscience vacillante, sa perception du monde qui l’entoure est brouillée ; paradoxal, quand les souvenirs de son adolescence paraissent si claires, si précis…