Nicolas Winding Refn est certainement l'un des meilleurs réalisateurs en activité, tant sur le plan visuel que sur son propos. Seulement, ce dernier est conscient de son talent, parfois un peu trop. Par la variété thématique et esthétique de son oeuvre, on comprend que le garçon est tiraillé par une centaine de références. Voguant entre Scorsese, Cassavetes, Jodorowsky, Tarkovsky, j'en passe et des meilleures, sa mise en scène se trouve en constante évolution et l'on sent un profond désir chez le cinéaste d'être reconnu en tant qu'artiste majeur, à la fois populaire mais également en tant qu'artiste incompris. De cette espèce de skyzophrénie artistique a émergé une filmographie riche et extrêmement prometteuse. La trilogie Pusher était excellentissime, Bleeder reste un très bon film dans le genre et dans la continuité de la dite trilogie, Bronson était un monument de comédie noire trash et malsain et Drive était un très bon film de genre, qui prenait son temps mais restait captivant. Au sein de cette filmographie, on retrouve deux oeuvres à part mais qui suivent une certaine logique : Only God Forgives et Valhalla Rising. Ce dernier se pose comme un tournant dans la carrière du réalisateur, oubliant la dynamique filmique et scénaristique de ses précédents films, il se tourne vers un style plus contemplatif, visuel et métaphysique. Le problème, c'est que le tout trouve rapidement ses limites.
Les trois premières parties de Valhalla Rising sont excellentes, on entre dans une violence aussi bien psychologique que physique et les moments calmes ne font que renforcer l'ambiance pesante dans laquelle nous sommes plongés dés les premières minutes. Tout est maîtrisé, le montage, le mixage sonore, la composition des plans, l'avancement scénaristique etc...
Seulement, aux alentours de quarante-cinq minutes, le film bascule petit à petit dans l'abstrait et, tout en gardant le spectateur attentif, perd en puissance. Plusieurs passages sont réussis et se révèlent très intéressants, de par leur sous propos, mais l'ensemble se révèle au final assez attendu et décevant. On a l'impression de pédaler dans le vide et d'avancer au compte goutte, à attendre que quelque chose de vraiment particulier survienne. J'y ai évidemment décelé les prémices d'Only God Forgives, à travers le héros mutique cherchant sa voie, mais, à l'instar de ce dernier, Valhalla Rising semble prendre un malin plaisir à prendre le spectateur par surprise en frustrant son désir spectatoriel.
En clair, le film reste très intéressant visuellement et artistiquement parlant, avec une première moitié plus que bonne, mais celui ci accuse le coup en seconde partie, se perdant dans un délire métaphysique peut-être trop ambitieux pour lui, trop Tarkovskien également. Peut-être est-ce moi qui n'ai tout simplement pas été réceptif au sous propos du film mais j'ai vraiment été déçu du traitement final, tant les deux premiers tiers se révélaient prometteurs.
A voir tout de même, beaucoup moins lent et évident qu'Only God Forgives, Valhalla Rising reste une oeuvre cinématographique particulière, prometteuse mais pas assez développée, dommage.