Nicolas Winding Refn, de Pusher à Drive en passant par Valhalla Rising, a toujours voulu faire plus qu'un film : la trilogie Pusher, en plus d'être un véritable coup de massue et une claque cinématographique, est aussi un quasi-documentaire ultra-réaliste sur les bas-fonds de Copenhague, Bronson, en plus d'être une expèrience à part entière, ce qui peut aller dans un sens comme dans un autre, était un biopic violent et sans conscession sur un personnage presque émouvant, et quand à ce Valhalla Rising, Refn, en plus d'avoir livré une fresque lente mais barbare, réalise ici un oeuvre qui part dans un experimentalisme qui touche le métaphysisme, et c'est dire à quel point l'oeuvre est déroutante, surtout flanqué d'une telle campagne de publicité qui apparement ne se fixait comme seul but de toucher le maximum de public (ce qui ne servait pas à grand-chose vu son budget avoisinnant les 5 millions de dollars) et de faire passer le film comme un film d'action sanglant qui multiplie les effusions gores avec une bande-annonce mensongère, au lieu de vraiment certifier le vrai caractère du film, car Le Guerrier Silencieux est une oeuvre qui préfère la contemplation à l'action, le silence aux dialogues, le vide au trop-plein...
De ce point de vue-là, l'expèrience se révèle aussi extrèmement exigante par rapport au spectateur, lui pose des questions sans réponses, le sort de son rôle passif, l'emmène jusqu'au bout du voyage par de long-plans magnifiant des décors inquiètants s'étendant à perte de vue, des choix esthetiques engagés, un personnage principal muet devenant peu à peu une sorte de guide spirituel pour les voyageurs et par le fait pour les spectateur, mettant en valeur un Mads Mickelsen plus fascinant que jamais, et enfin une bande-son atmosphèrique, au début discrète, mais qui met tous les sens en éveil.
Ce voyage, comme celui qu'entreprennent les vikings vers la terre Sainte dans le film, se dirige vers l'inconnu et recquiert donc qu'on y accroche jusqu'au bout, qu'on accepte de voir quelque chose qui nous échappe, qu'on accepte de voir quelque chose qu'on est pas obligé de comprendre, et surtout qu'on accepte de se lancer dans une expèrience souvent mystique. On ne peut pas dire non plus que la lenteur des actions n'autorise pas à Refn quelques montées de violence sauvage (compilées presque en totalité dans la bande-annonce) et dès les premières scènes, cette violence rebutera surement les plus sensibles, éloignant encore une autre catégorie de spectateurs, qui quitteront le voyage avant même la première partie, le film étant divisé en six chapitres : "Le courroux", "Le guerrier Silencieux", "Les hommes de Dieu", "La terre sainte", "Les enfers" et enfin "Le sacrifice", cette structure étant un des rares repère donnés au spectateur.
Et quand on arrive à entrer dans le trip, c'est-à-dire supporter les montées de violences, la lenteur des actions et le manque de dialogue, le film est d'autant plus frustrant qu'il finit sur une impasse, aux interprètations nombreuses mais Nicolas Winding Refn nous aura tellement cuisiné à toutes les sauces son myticisme et son métaphysisme que le plat peut paraître souvent plutôt indigeste, car le cinéaste veut nous y faire voir beaucoup de chose, une réflexion sur la mort, une réflexion sur la religion, mais il ne nous encourage pas le moins du monde avec la façon dont il présente l'ensemble, très décourageant en ce qui concerne de donner un sens à ce que l'on voit et ce qu'il nous montre.
De plus, le guerrier Silencieux se révèle être une expèrience plutôt éphèmère, et dès qu'on est arrivé à suivre "activement" jusqu'au bout le voyage, ce qui peut nécessiter tout de même plusieurs visionnages, ce même voyage est irrémédiablement terminé et revenir dessus n'aurait qu'assez peu d'intêteret, si ce n'est pour admirer une seconde fois les décors magnifiques du Danemark ou la performance de Mads Mickelsen.
Conclusion : pour enfin pouvoir fixer un avis objectif sur ce film, je dirais que l'expèrience, que je ne retenterais pas une deuxième fois, n'a surtout pas été une perte de temps même si recommander l'oeuvre à un spectateur non averti n'est pas recommandable car il n'y verra qu'une odyssée lente sans intérêt sur des vikings déprimés en pleine mise en abîme, attendant tranquillement la mort dans des paysages boueux rappelant tout sauf la Terre Sainte...