Travesti que seule une foi du charbonnier, intense et naïve, empêche de sauter le pas du transsexualisme alors que Rosario, son très jeune amant, l'en presse, "Tonia" n'avait comme choix de carrière que le trottoir ou le transformisme : elle a choisi la scène, et elle est la reine (sur le déclin) des nuits lisboètes. Son corps la trahit (ses prothèses mammaires s'infectent) et au terme d'un calvaire quotidien, elle entre à l'hôpital pour y mourir rapidement, "comme un homme", mais sans avoir revu son fils Zé Maria, à la dérive, assassin et déserteur, conçu pendant une brève liaison hétérosexuelle de jeunesse et qui le renie. Rosario ne lui survivra pas, s'infligeant un ultime "fixe" sur une plage solitaire, dans la seule compagnie de leurs chiens, la vieille Agustina et Vagabond, le bien-nommé.
Comme cet autre Ibère, Pedro Almodovar, le Portugais Joao Pedro Rodrigues a un vrai style, personnel et affirmé, sachant mêler drame populaire et onirisme (le voyage à la campagne et l'étrange promenade en forêt avec la mystérieuse "Maria" Bakker qui s'en suit), et un talent singulier pour réussir un très beau film (qualités esthétiques et puissance de mise en scène) à partir d'un sujet particulièrement "casse-gueule". C'est un mélodrame, extravagant et émouvant, qui n'oublie pas la dimension musicale qui accompagne la progression dramatique - de grande détresse en brefs passage de bonheur - qui construit la tragédie, vers sa conclusion inexorable : d'intermède en intermède, toujours en situation, la conclusion est un fado poignant quand les deux Roméo et Juliette improbables sont réunis dans la même tombe. Magnifique.