Film a priori inconnu (0 avis sur l’IMDB quand même !), Clair, titre français peu parlant pour le coup, est pourtant un métrage très particulier. Non seulement le casting est mémorable, mais en plus il aborde, bien avant la plupart des films qui ont fait date sur le sujet, la problématique du SIDA.
Alors c’est peut-être là que Clair déçoit en fait. On est tenté de penser que sur ce sujet, et compte tenu du fait que l’on se place dans la peau d’une victime, puisque l’on suit Rutger Hauer, le contaminé malgré lui, on aurait une exploration de la maladie nettement supérieure, dans la veine d’un Philadelphia. Or, Hauer ne souffre d’aucun stigmate de la maladie jusqu’à la fin du film, ni lui ni les autres contaminés d’ailleurs qui sont tous rayonnants. C’est assez problématique, car même si la maladie est au cœur de l’histoire, et génère autant les conflits que les amours, et bien elle n’apparait pas réellement. Le film n’est pas désagréable à suivre, et la quête de vérité de Hauer et la dimension tragique qui prend toute son ampleur à la fin sont attractives. En dépit d’un rythme lent, qui nous place aux limites du fantastique dans certaines séquences, Clair se laisse donc suivre, mais échappe un peu trop à son sujet, qu’il a cependant le courage d’aborder à une époque où il était pionnier.
Visuellement le réalisateur a pris le parti d’une esthétique assez pompeuse. C’est peut-être là aussi assez surprenant par rapport au sujet traité. Les intérieurs bourgeois paraissent échapper des fresques historiques italiennes de la grande époque, les décors urbains sont écrasants. Disons que ça fait un peu trop travaillé, trop recherché, et que cela handicape un peu le réalisme du sujet. Mais, d’un autre côté, la photographie très froide, glaciale, les décors imposants qui isolent les personnages, la mise en scène très sobre, tout cela contribue à instaurer une ambiance étrange, quasi-fantastique, et souvent captivante. D’autant que le réalisateur recourt à d’étrange séquence (la Betty Boop obèse qui chante, la marionnette…). La musique de Tom Waits est aussi une réussite, mais là encore très inattendue.
Côté casting donc, du lourd. Hauer est très bon dans son rôle, il le porte avec une solidité certaine, et son charisme, sa force de conviction emporte facilement le morceau. Autour de lui, une très belle Nastassja Kinski, qui ne dévoile cependant pas ses charmes contrairement à Faye Dunaway qui impose un personnage étrange qu’elle sert bien, même si elle n’est plus ici dans le sommet de sa carrière. Même s’ils apparaissent peu, on soulignera aussi la présence de Lorraine Bracco et de Peter O’Toole. Un superbe casting que l’on imagine, notamment pour certains seconds rôles, plus ici pour leur engagement contre le SIDA, ou leur volonté de faire connaître la maladie, plus que pour la force des rôles qu’on leur a donnés.
En tout cas, si ce film passe un peu à côté de la force de son sujet, il est étrange, et d’une certaine façon envoutant. Il plane un côté mystérieux, semi-fantastique, hors-du-temps et tout est d’une grande froideur, même l’érotisme. A voir, même si c’est davantage pour les acteurs et l’expérience esthétique qu’il faut se lancer dans le visionnage. 3.5