Comme tout le monde le sait, notre cher George Clooney a toujours été très intéressé par la politique. Il est, de plus, un véritable cinéaste de talent. Avec Les Marches du Pouvoir, ce dernier prouve une nouvelle fois que le cinéma ne l'a pas oublié. En effet, ce retour en tant que réalisateur est une réussite. Le sujet pourtant aurait pu très facilement tourné au reportage politique ou au film dramatique noyé dans le pathos. Mais que nenni, car George Clooney a opté pour un film hybride à la fois politique et cinématographique. Bien que ce parti pris nécessite quelques compromis, il faut bien l'avouer, le film surprend de par sa capacité à être redoutablement efficace et ceci sur les deux tableaux.
L'histoire peut, pour ainsi dire, se décomposer en deux parties très distinctes. La première ultra-structuré nous présente les coulisses de la campagne du gouverneur Morris (George Clooney) avec un nombre de détails impressionnants. La force de cette première partie tient de sa capacité à transmettre clairement et énergiquement des informations pas toujours très simples. De plus, elle introduit les personnages principaux d'une manière particulièrement élégante. La deuxième partie, tout aussi énergique nous met dans une situation d'urgence et de suspens d'une forte intensité. Le spectateur ne sait plus qui piège qui et une sorte de paranoïa finit par embaumer chaque scène. Toute attitude cache un mensonge, toute entraide peut être vénéneuse, la tension monte et tout cela sans aucune scène d'action. Afin de permettre à son spectateur de ne pas être étouffé par cette pression permanente, le scénario fait intervenir quelques doses d'humour bien vu et toujours surprenant de subtilité. Enfin, le film semble, sans être tout de même dénué d'émotion, plutôt tourné vers une démarche réflexive que sensible. Le grand frisson est intellectualisé plutôt que ressenti, à part dans la scène finale où il devient les deux à la fois.
Autant le dire tout de suite, George Clooney s'offre un casting cinq étoile sur ce film quitte à accepter de se faire voler la vedette. Jeffrey Wright prouve qu'il peut aussi bien incarner avec ferveur un agent de la CIA (Casino Royale), un père de famille baba-fou (Broken Flowers), qu'un sénateur malin et manipulateur (Les marches du pouvoir). Philip Seymour Hoffman est comme à son habitude génial et ce rôle d'homme acide et sans pitié lui va comme un gant. Paul Giamatti montre qu'il n'a pas perdu la main et que personne d'autre ne sait jouer le cynisme et l'ironie comme lui. George Clooney endosse son rôle de gouverneur moitié chef, moitié pion avec audace et charisme. Quant à Ryan Gosling...il porte tout le film sur ces épaules. La star montante du cinéma U.S n'en est pas une pour rien. Son jeu d'acteur, tout en nuance, déroute autant qu'il passionne. Il fait parti de ces acteurs dont tout passe par le regard et la syntaxe. Faisant plus d'économie que d'excès, sa prestation est incroyable de subtilité. Un véritable sans faute, en espérant qu'il continuera dans cette voie! En tout cas on vote pour!
Le film s'avère être visuellement très soigné voire même parfois chevaleresque (rendez-vous dans des coins sombre, défi en plein jour...). La mise en scène est énergique et très bien pesée; jamais de surenchère ou de séquence faiblarde, ici tout est millimétré pour notre plaisir et notre curiosité. La musique, signé Alexandre Desplat, est tout à fait appropriée à l'univers proposé par George Clooney. Mais ce qui frappe le plus dans la réalisation de ce dernier, c'est la classe. En effet, il est rare de voir autant de panache et de classe dans un film politique voire même dans un film tout court. Chaque scène est un émerveillement de dialogue, chaque regard est lourd de sens, de mystère, de désinvolture. Ainsi, on reste bouche bée pendant 1h40 (qui passe comme un éclair) et on irait jusqu'à redemander une nouvelle série de coup bas pour que l'intrigue puisse continuer encore et encore.
Ces "Marches du Pouvoir" sont un véritable plaisir à franchir, et même si le film risque d'ennuyer les non intéresser par la politique ou le cinéma, il ravira sans aucun doute tous les autres. De plus, il est difficile de ne pas faire un parallèle évident entre le jeune Stephen tentant de gravir les échelons quitte à jouer avec ceux qui tiennent les ficelles (Morris) et la talentueuse star montante Rayan Gosling qui vole la vedette au grand George Clooney dans son propre film. De la subtilité, du rythme, de vrais dialogues, de l'émotion, de la réflexion, du cinéma...What else?