Dean et Cindy sont jeunes et beaux, ils s'éprennent l'un de l'autre et se destinent à un bel avenir car ils se sont promis de toujours s'aimer jusqu'à ce que la mort les sépare. Habituellement Hollywood s'arrête là, Derek Cianfrance, lui, fout un grand coup de pied dans l'image d'Epinal que le cinéma américain a petit à petit fait de l'amour, en mettant en parallèle la construction et la destruction d'un couple.
C'est donc sur un homme et une femme au bord de la rupture que le film s'ouvre. D'un amour passé il ne semble rester que des braises, auxquelles le couple tente désespérément de se raccrocher dans l'espoir de raviver la flamme. Espoir que chacun sait vain au fond de lui mais dont il est difficile d'accepter la réalité, surtout lorsqu'on sait qu'une enfant va en pâtir. Au point de ne trouver pour seul remède que de partir dans un motel au charme plus qu'incertain et de se saouler pour tenter un ultime réconciliation. Ou encore de jeter une alliance au cours d'une dispute, puis de la rechercher à deux au milieu des broussailles. Derek Cianfrance filme les derniers instants de la vie de ce couple de l'extérieur. Sa caméra ne fait que retranscrire la réalité de ce qui est en train de se passer, ne juge jamais, ne prend jamais parti. Personne n'est coupable. Est-ce le temps qui a fait s'éloigner ces deux êtres ? Est-ce la réalité de la vie et du quotidien qui a terni leur amour ? Est-ce un éclat passé qui les a aveuglés et qu'aujourd'hui seulement la vérité leur saute aux yeux ?
Pour seule réponse, Derek Cianfrance fait ressurgir le passé. Et aux douleurs d'aujourd'hui se mêlent les joies d'hier, d'une rencontre pleine de sourire, de soleil, de musique et de danse. Mais pas que... Car finalement même la construction du couple, si elle en a une certaine apparence, est loin d'être une amourette hollywoodienne. Un Dean romantique et un brin gamin, tombe instantanément sous le charme d'une Cindy au départ peu concernée. Et finalement, leur relation naîtra sur le coup de foudre d'une soirée et d'une nuit, et d'une conséquence qui accélérera l'évolution de leur couple et remettra en cause leurs rêves de jeunesse. Des bribes d'explication qui ne font pas loi car Derek Cianfrance se garde bien de montrer les six années écoulées entre la rencontre et la déchirure.
Avec Blue Valentine, Derek Cianfrance dissèque, comme cela a rarement été fait, les liens et les failles d'une relation amoureuse. Sa caméra semble comme s’immiscer dans l'intimité de ce couple campé par une Michelle Williams et un Ryan Gosling, habités par leurs rôles. Les deux comédiens sont tour à tour solaires, tourmentés, étincelants, désemparés. Ils sont pour beaucoup dans l'atmosphère particulière dans laquelle baigne le film. Mais derrière sa caméra contemplative, Derek Cianfrance y est aussi pour quelque chose, et l'on devine un réalisateur qui se soucie du moindre détail, jusque dans ce générique de fin qui finalement résume tout ce qui reste au terme d'une relation, des étincelles d'images heureuses, les restes du coup de foudre.