Eblouissant !
A un point tel que l’on en reste viscéralement abasourdi !
Connaître la fin d’un film avant même de vous rendre dans une salle… Voilà un problème de tous long-métrages qui revient sur un événement historique… Un exercice de style pouvant faire s’écrouler le monde autour de vous ou vous porter sur les sommets de la gloire… L’avenir n’étant alors restreint qu’à la qualité et au choix de l’angle de tournage pour lesquels le réalisateur va opter. Ici, dans l’Ordre et la Morale, c’est sans demi-mesure que Mathieu Kassovitz a dépeint une œuvre à la hauteur de notre Tour Eiffel !
L’Ordre et la Morale revient sur la prise d’otage d’une trentaine de gendarme sur l’île d’Ouvéa en Nouvelle-Calédonie qui eut lieu entre les deux tours de la présidentielle de 1988. Et c’est là que le film prend une certaine dimension « magnifiée » pour ma part : il montre un point de vue sur l’affaire, celui d’un homme, Philippe Legorjus, et tente de montrer l’ensemble des événements qui se sont déroulés pendant 10 jours. Chacun en ressortira avec un sentiment propre, et très certainement majoritairement que les politiques sont des pourris (le verbe être ne peut pas se mettre au passé bien entendu !) ou qu’ils sont les responsables directs de cette tragédie. Pourquoi puis-je écrire ça ? Tout est fait pour que l’on en soit convaincu. Car si même pendant les images le spectateur n’a pas fait son opinion dessus, le texte de fin est là pour achever notre bonne vieille politique française ! Mais là n’est pas la question, il faudra toujours un coupable dans la vie, et ici qui devrions nous blâmer ? Les indépendantistes Kanak ? L’armée française ? Les politiques français ? Les élections présidentielles ? La gauche ? La droite ? Les gendarmes ? Etc.
La question sous jacente est « les politiques peuvent ils s’amuser avec la vie de leurs concitoyens pour remporter une élection ». J’ai envie de dire que ceux qui répondraient non sont bien naïfs dans leur vie, et que la politique a de tout temps imposée des sacrifices aux Hommes, n’en regarde les guerres successives de notre Histoire. Mais ici, dans l’Ordre et la Morale, c’est ce fait, celui de voir les manigances de chaque camps, à celui qui a le plus d’influence, qui est intéressant et donne une dimension très politoco-dramatique à ce film : car sans les élections, tout aurait été différent. C’est une mini-bombe médiatique que signe ici Kassovitz en amenant à nouveau sur le devant de la scène un tel « épisode » de l’Histoire de la République… et rien que pour ça, j’adore expressément !
Qu’en est-il du film vous dites vous ? Il y a une atmosphère étouffante tout au long du film, comme vous paralysant les tripes à chaque détour, pour vous rappeler sans cesse de la gravité de l’histoire qui nous est raconté ici. Tout est fait pour que le spectateur demeure tendu, sur le qui-vive, pour apprécier les images. Et quelles images ! Les plans de l’île, les recherches, les affrontements… Un travail remarquable avec une recherche d’une certaine perfection visuelle pour que l’on puisse apprécier aussi bien toute la beauté de cet espace mais aussi la cruauté et la laideur de l’Homme. On reste subjugué par cette reconstitution des plus bluffante qui nous apporte un détail du réalisme poussé presque à son paroxysme par instant. Ne prendrais-je ici que la scène de fin, n’ayant reçu que des éloges pour l’heure, et qui est à couper le souffle tout simplement. On y retrouve tout, nos yeux pétillent, nos oreilles sifflent et notre cœur trépigne !
Kassovitz signe ici aussi bien un chef d’œuvre hors champs que dans le personnage qu’il interprète. Il est saisissant, brillant, j’ai même envie de dire diabolique tant il est frappant de vérité pour nous transposer un homme en plein doutes : l’Ordre ou la Morale. Titre du film qu’il a fallu attendre jusque vers 1H30 de film. Ou quand les sentiments n’ont pas leur place dans l’Armée, relaçant un certain débat. Là est toute la question du film, à savoir quel choix nous aurions fait, lequel de ces deux termes auraient prévalu, ou si aucun d’eux ne peut coexister véritablement… A côté, il y a les autres acteurs. Je ne m’étendrai pas dessus, mais il n’y a rien à redire. Je repense en écrivant sur eux, à deux scènes du film figeant l’action pendant plusieurs secondes, et faisant un plan large entre d’un côté l’armée et de l’autre les Kanaks, fiers et droits. C’est pour cette tension, cette magnificence, cette volupté que l’Ordre et la Morale est pour moi un chef d’œuvre à sa juste valeur.
Il y aurait encore tant à écrire sur ce film qui regorge de petits détails ayant attirés mes yeux, tant de choses qui méritent d’être couchées sur le papier, que je ne peux que vous conseiller de vous déplacer en salle pour l’admirer et palper cette tension s’insinuant doucement en vous pour vous déverser des images d’une rare qualité en votre sein ! Admirez avec vos tripes et votre cœur !