Polémique minable du réalisateur vexé de ne pas avoir été retenu aux Césars ? Absolument. Film très partisan ? oui sans doute, et alors ? Chacun a bien le droit d'avoir sa vision des choses, Kassovitz comme vous et moi. On n'est d'ailleurs pas obligé d'être d'accord, et du reste je ne le suis pas totalement. Les gentils gendarmes, les méchants militaires, c'est sans doute un peu court comme vision. Faire totalement l'impasse sur le referendum de 1987, où les électeurs néo-calédoniens ont rejeté l'indépendance est également problématique, puisque ce résultat jamais accepté par le FLNKS est à l'origine du statut Pons qui embrase la Nouvelle-Calédonie en 1988 . Il aurait d'ailleurs été bienvenu également de laisser entendre que tous les Kanaks n'étaient pas au FLNKS... Les Caldoches sont totalement absents du film, ce qui revient à tourner un film sur l'Irlande du Nord centré sur l'affrontement entre Catholiques et pouvoir britannique sans mentionner les Protestants loyalistes... Le discours du chef rebelle Kanak sur les Français qui sont là juste pour le nickel est aussi simpliste (la Nouvelle Calédonie gère le Nickel elle-même depuis les années 80) que naïf (quand les Français partiront, les "investisseurs" Australiens, Chinois et Américains débarqueront en masse...). Les conséquences probablement néfastes d'une indépendance complète sur la société multi-ethnique, métissée et multi-culturelle ne sont jamais abordées, pourtant, vu ce qu'il s'est passé en Algérie en 62, il n'y a pas beaucoup de raison d'être optimiste sur ce plan là. Voilà, j'ai l'air de tailler un costard à Kassovitz, mais ce n'est pas mon intention, parce qu'à rebours, son film ne manque pas de qualités formelles (excellent rythme), est salutaire (sujet jamais abordé) et n'est pas aussi manichéen qu'on l'a dit : le rôle trouble du FLNKS et celui de Mitterrand (qui a empapaouté Chirac avec les rebelles Kanaks en victimes collatérales) sont bien mentionnés. Enfin, son postulat de base n'est pas faux : ce sont bien les manoeuvres politiciennes minables de Pons et Chirac, en pleine campagne présidentielle, qui ont fait couler du sang inutilement... en même temps qu'elles ont contribué à renforcer le courant indépendantiste. LE point fort du film est d'ailleurs là, montrer comment un pouvoir incompétent qui n'a aucune vision stratégique à long terme met de l'huile sur le feu et se créé ses propres ennemis... Si (quand) la Nouvelle-Calédonie devient (sera) indépendante, elle pourra ériger des statues à Chirac et à Pons pour services rendus à la cause. Et cela, le film le dit très bien, le dit très justement. A voir absolument, comme tout film qui fait réfléchir et donne envie d'en savoir plus sur un sujet.