Comment aborder le thème de la guerre au cinéma, sans tomber dans le voyeurisme et le moralisme? "Que peut le cinéma?": c'est la question qui est à l'origine du projet, consacré à la guerre du Liban de 2006. Un sujet sans doute trop actuel pour avoir le recul nécessaire, mais de toute façon ce n'est pas vraiment ce qui intéresse les réalisateurs. Tout est dans le titre, tout revient à "voir". Le film semble vouloir redonner un sens à l'image, dans une société où l'on nous assène quotidiennement d'images sordides, dans un flux si ininterrompu qu'elles ne signifient plus rien. La guerre, à la télé comme à la radio, est quotidienne. Mais qu'est-ce que l'on n'en sait vraiment? Déplacer Catherine Deneuve, incarnation du cinéma dans un monde "réel", marqué par la guerre, montre bien ce qui est recherché par les réalisateurs: défendre une conception du cinéma comme vérité. La frontière entre la fiction et le réel, le documentaire et le film, est trouble, poreuse. Ce parti pris de ne pas trancher et de ne pas en faire un documentaire "traditionnel" est extrêmement fin et intéressant. Dans cette logique de "cinéma-vérité", Deneuve ne joue pas, et apparaît incroyable humble, pudique, humaine. Par sa simple présence, elle apporte selon moi une immense contribution au cinéma. Avec Je veux voir, les deux réalisateurs semblent réaffirmer le cinéma comme une ouverture sur le monde, comme reflet du réel. C'est pourquoi Je veux voir fait l'effet d'une expérience cinématographique vibrante. On traverse le Liban, ses paysages, ses ruines. On ne dit rien. On voit simplement. Ce qui domine, c'est l'incompréhension. Le monde est saisi dans ses contradictions, dans sa dureté. Les images sont sublimes, et la caméra hypnotique. Elle capte les émotions avec une grande pudeur. Tout est intériorisé. Il y a une vraie idée du cinéma dans ce film, atypique et courageux. Du cinéma qui, par sa vérité, bouleverse. Un film indispensable, tant il est actuel, passionnant et émouvant.