La comédie musicale est un genre si rare en France, qu'elle mérite bien qu'on s'y intéresse un minimum. Malheureusement, fort est de constater que le résultat est plutôt bancal. La faute est sans doute à imputer à un scénario aux prétentions bien trop grandes. Ca commence comme une comédie musicale classique avec une histoire d'amour improbable et impossible sur fond de choc culturel. L'ambiance est bon enfant, assez (trop ?) kitsch, les dialogues plutôt drôles. Mais visiblement Audrey Estrougo ne veut pas limiter sa fable sociale à une simple différence de milieux et amorce un virage à 180° vers la fable politique. Son histoire s'embourbe alors sur la question des sans-papiers. L'intention est louable, mais le problème bien trop complexe pour un scénario de "comédie" musicale, par définition simpliste. L'argumentation ne reste qu'en surface et accumule les clichés, pour se terminer par une scène finale surréaliste. Car si Audrey Estrougo bouscule le genre en lui donnant un côté (trop) sérieux, elle veut garder le happy-end. Deux minutes avant la fin, on a donc droit à un improbable revirement complet de situation, qui laisse le spectateur sur sa fin. Voilà sur le fond.
Sur la forme, comment dire... La France c'est pas les Etats-Unis, et le manque de budget se ressent incontestablement dans les séquences musicales qui doivent se contenter d'une vingtaine de danseurs, et de trois décors maximum par séquence. Cependant, Audrey Estrougo gère plutôt bien son manque de moyens par un superbe travail sur les lumières et de belles réécritures musicales de succès populaires français. Les scènes les plus chorégraphiées sont sans doutes les moins bonnes, trop empreintes d'autodérision (enfin j'espère...), marquées d'un kitsch à outrance, là où ça passe sans problème dans "Mamma Mia", là ça finit rapidement par lasser. Les scènes chantées plus simples, plus intimes sont beaucoup plus convaincantes. On retiendra notamment les très belles reprises de "La bonne étoile" de M, de "Sauver l'amour" de Balavoine, et de "Un autre monde" de Téléphone.
Le film est aussi sauvé par le charme indéniable de Leïla Bekhti, Cécile Cassel et Benjamin Siksou. Il n'est d'ailleurs pas désagréable de retrouver ce dernier, dont on n'avait plus trop de nouvelles depuis 2008 et ses petits rôles dans "15 ans et demi" ou "Largo Winch", et surtout son passage dans la Nouvelle Star. Il allie dans "Toi, moi, les autres" un jeu d'acteur plutôt correct et des performances vocales à saluer. Leïla Bekhti est comme d'habitude très à l'aise et emporte ma totale adhésion.
Résultat en demi teinte pour cette incursion du cinéma français dans la comédie musicale, qui confirme que les mélange des genres est quelque chose de plus complexe qu'il n'y paraît. La prochaine fois on se contentera d'une histoire d'amour bien clichée, c'est ce qui convient le mieux à ce genre...