Ah ! la libido : les secrets du tournage

Michèle Rosier voit son film comme "une fable sans morale". "Ce film se veut aussi éloge de l'amitié entre femmes, de leur complicité et de leur soutien réciproque, ajoute la réalisatrice. Ce n'est pas un film d'amour, mais un film sur le plaisir. Curiosité et surprises sont le sel de la vie !"

L'idée de Ah ! la libido est venue à l'esprit de Michèle Rosier lorsqu'elle a vu une peinture de Toulouse-Lautrec, Au Salon de la rue des Moulins : des femmes en chemises, rassemblées dans un salon rouge, attendant des clients. Ce tableau m'a frappée par sa beauté et sa force, confie la cinéaste. Je me suis demandé pourquoi des filles de joie et pas des hommes. Plus tard, cette idée s'est imposée à moi pour écrire et réaliser mon sixième film de fiction. J'ai imaginé la même scène avec des hommes en petites tenues ! Puis l'idée a mûri, et j'ai décidé d'écrire un scénario à partir de cette situation." Sous forme de clin d'oeil, l'équipe de production a reconstitué le décor rouge du tableau de Lautrec pour la séquence où l'on voit les toy-boys attendre la clientèle féminine dans le "paddock".

Pour réaliser son film, Michèle Rosier est également partie du constat que de plus en plus de femmes belles, intelligentes, indépendantes, vivaient seules. "Je recueille souvent les confidences d'amies sur leurs difficultés à rencontrer l'homme de leur vie, confie la cinéaste. Elles croisent des hommes qui ne les enchantent pas, avec qui elles s'ennuient vite. Ce nombre important de femmes célibataires est un phénomène de société qui modifie la condition humaine dans les pays privilégiés. A présent, les femmes sont informées sur la sexualité par la médecine et la psychanalyse, et voilà un bail qu'avec la pilule, elles ont acquis la liberté de leur désir. L'indépendance financière acquise en travaillant, la distance prise avec la religion et, du coup, la disparition de la notion de péché, favorisent une plus grande liberté amoureuse et sexuelle. Des femmes font un choix de vie solitaire, c'est une donnée nouvelle. Une étude récente révèle qu'une Française sur deux vit en célibataire durant de longues périodes, même en élevant un enfant."

Michèle Rosier retrouve ici trois comédiens qu'elle avait dirigés dans Malraux, tu m'étonnes ! en 2001 : Daniel Martin et Francoise Lebrun, qui ont accepté ces rôles éclairs par fidélité et amitié pour la réalisatrice, ainsi que Jérôme Robart, qui incarnait alors Malraux jeune homme.

Michèle Rosier considère la prostitution comme "une institution respectable, estimable pour les femmes et pour les hommes" à condition que les prostituées ne soient pas exploitées et travaillent librement. "La prostitution, une tâche de bonté, un baiser de pitié", a écrit Marcel Schwob, cite la réalisatrice. Ces hommes se veulent de bons artisans du sexe. Ils sont attentifs à leurs corps, soignent leur apparence : leur physique est leur fonds de commerce. Ils se doivent d'être efficaces, s'inquiètent des désirs et fanstasmes de leurs clientes : "Tu veux faire simple ou compliqué ?", demande l'un d'eux. Ils n'excluent pas de fidéliser leurs clientes. A un moment, on voit ainsi Francoise Lebrun faire une apparition d'habituée... Je voulais que ces scènes soient joyeuses, sans tomber dans le graveleux."

Ah ! la libido devait initialement s'intituler Sans coeur.