On a découvert Julien Leclercq au cinéma en 2007 avec le polar de science-fiction Chrysalis, un premier long-métrage lacunaire mais où l’on décelait un travail sonore de qualité et une mise en scène inventive. Il revient en 2010 avec L’Assaut, un film efficace dans ses scènes d’action et immersif grâce à l’aspect documentaire insufflé par la caméra à l’épaule mais malheureusement dépourvu d’émotion et d’oppression, notions pourtant nécessaires lorsque le film traite d’une prise d’otages. Gibraltar, attendu en salles le 11 septembre 2013, demeure pour l’instant son film le plus abouti.
Si L’Assaut était inspiré de la prise d’otages du Vol 8969 Air France orchestré par 4 membres du GIA (Groupe Islamique Armé), Gibraltar s’inspire de la vie de Marc Fievet, renommé ici Marc Duval et campé par Gilles Lellouche. Expatrié à Gibraltar avec sa femme (Raphaëlle Agogué) et leur bébé, ce couple tenancier de bar et propriétaire de bateau croule sous les dettes et les crédits qu’ils ne peuvent rembourser. Par l’intermédiaire d’un ami, il trouvera un moyen de régler ses problèmes de fric : devenir la taupe ou plutôt l’aviseur des douanes françaises, en échange d’informations permettant de démanteler un trafic de drogue, ce dernier recevra une récompense financière. Après une premier essai concluant, les douanes veulent carrément l’engager et lui donner de nouvelles missions, lui promettant toujours plus d’argent. Mais à force de multiplier les transactions avec les trafiquants, il devient le protégé de Claudio Lanfredi (Ricardo Scamario), un riche et puissant dealer qui ignore tout de sa “double-vie”. Et comme s’il n’avait pas assez de problèmes comme ça, les douanes anglaises viennent à lui pour tenter de stopper Lanfredi, se retrouvant alors sous le joug de trois autorités.
Marc Duval, cet homme qui voulait régler ses problèmes d’argent se retrouve peu à peu à jouer avec le feu. Voulant premièrement sortir de sa galère quotidienne, son action se retrouve alors motivée par l’appât du gain, les sommes promises augmentent, alors même si c’est à contrecœur qu’il accepte ce travail, son du versé à la fin à le don de le satisfaire. Mais il s’agit surtout d’un homme en quelque sorte prisonnier de son destin, il est manipulé, contraint, utilisé comme un pion sur un échiquier, un pion manié non pas par un mais bien trois joueurs a qui il doit constamment rendre service, se déplacer, assurer une action pour le bien de leurs missions. Pour survivre, il est obligé de s’enfermer dans une bulle de mensonges, au grand dam de sa famille qui ne reconnait plus cet homme soudain épris de décisions plus hâtives les unes après les autres.
Gibraltar, c’est une plongée infernale dans le monde des narco-trafiquants, ces paysages ensoleillés se transforment peu à peu en cauchemar où il devient de plus en plus difficile d’en sortir. Ici la mise en scène de Leclercq séduit davantage, le film nous offre de belles images sous une pellicule colorée et old-school qui n’est pas absente de tension, tout comme le scénario signé Abdel Raouf Dafri, co-auteur du multi Césarisé Un Prophète, film qui a révélé Tahar Rahim. Contrairement aux deux précédents films du réalisateur, Gibraltar n’est pas un film d’action, ce qui ne l’empêche pas d’être assez brutal dans ses scènes de violence, surtout dans les bruitages où les coups de feu sont pétardant à vous faire frisonner. Enfin, si l’ensemble du casting s’en sort bien et notamment Tahar Rahim et le ténébreux Ricardo Scamario, c’est Gilles Lellouche qui s’en tire avec les honneurs, habitant son rôle avec ce qu’il faut de charisme, de sincérité et de justesse. Malgré son comportement impulsif et ses décisions douteuses, le fait que tout ce chemin dangereux ait été parcouru pour sauver sa famille le rend lui même et cette histoire particulièrement touchante, touchante comme chaque retrouvaille avec sa femme, habitée par la belle et douce Raphaëlle Agogué. Enfait il un peu à l’image d’Albert Dupontel dans Chrysalis et de Vincent Elbaz dans L’Assaut, ces hommes qui malgré qu’ils aient agi en faveur de la justice se retrouvent avec un destin injuste.