Pour son premier long-métrage, Sarah Leonor construit un récit limpide et spontané, où s'entremêlent avec grâce et naturel une mélancolique douceur contemplative, une relecture poétique du quotidien et un hymne revigorant à la nature et aux issues possibles pour échapper au monde urbain, désespérément consumériste et formaté. Sur un fond sonore délicat, drapé de douces musiques country et par le biais d'une caméra qui scrute attentivement faits et gestes, mots et regards, signes et sentiments, la jeune cinéaste orchestre avec finesse cette escapade bucolique, où rien n'est ni définitif ni même prévu. Elle laisse surtout à ses deux remarquables comédiens principaux (Guillaume Depardieu et Florence-Loiret Caille) le temps et l'occasion de donner à voir et à entendre l'attraction inopinée des corps, la révélation subite d'une complicité esquissée, le maelström d'imperceptibles émotions qui les submergent sans qu'ils puissent en rendre compte par les mots. Au détriment des mots, ce sont leurs corps qui parlent et qui font développer leur relation, surtout instinctive au départ, ce sont leurs corps qui se cherchent, s'appellent, se convoquent en silence, se font écho, se désirent, se complètent dans une osmose presque parfaite (son corps à lui est meurtri, fatigué, monolithique; son corps à elle est frêle, mignon, paraît préservé jusqu'à présent des aléas de la vie).
Un poème de Rilke travaillé devant une classe d'allemand, un vol de clés de voiture dans un ascenseur, deux mains qui serrent deux autres mains avec fermeté et douceur, un regard échangé, un haussement de ton, une biche dans la forêt, une barque sur l'eau, une fuite, un feu vert, une voiture, un feu rouge, une valse entêtante de pensées, une purification par la nature, un commencement d'histoire d'amour, tout cela, juxtaposé sans maladresse, est capté et restitué avec une belle simplicité à l'écran, avant que tout soit interrompu par une arrestation de la police, qui clôt ce "Au voleur" de façon abrupte et énigmatique. Un joli premier film.