Plusieurs de mes amis m'ont dit ne pas avoir été étonnés de savoir que j'allais voir "Mongol", vu mon goût pour les cinémas exotiques, et certes, le fait de rajouter une cinématographie nationale dans ces critiques comptait dans les principales motivations pour découvrir ce film nommé aux oscars du meilleur film étranger (finalement remporté par "Les Faussaires").
De l'authenticité mongole, il y en avait sans doute plus dans "Le Mariage de Tuya" malgré la nationalité chinoise du réalisateur, que dans cette coproduction germano-russo-khazakho-mongole, et dont l'acteur chargé d'incarner le futur Gengis Khan est bizarrement japonais (remarquez, ça compose la nationalité chinoise des actrices de "Mémoire d'une Geisha"!). En effet, si les splendides décors suggèrent indubitablement les hauts plateaux de la Mongolie (même si le film a été tourné en réalité au Kazakhstan et en Chine occidentale), le reste évoque surtout les super-productions sur le modèle hollywoodien : scénario classique sur le modèle "la résisitible ascencion de...", chronologie déstructurée juste ce qu'il faut, mouvements de caméra vertigineux, et bastons clipesques avec tout plein d'hémoglobine qui gicle au ralenti.
Le début de "Mongol" annonce bien la couleur : un long traveling aérien au-dessus d'une cité impeccablement reconstituée en images de syhntèse, qui finit par pénétrer entre les barreaux de la cellule de Temudgin, dont le visage émerge de l'obscurité tel le masque d'Agamemnon. Puis un plan large, fixe, de la steppe mongole, avec les silhouettes à contre jour de cavaliers au galop, réminiscence de "La Cavalerie Rouge" de Malevitch. Une maîtrise du mouvement, une photographie soignée, et un sens de la composition constituent en effet les principales qualités du film, avec comme revers négatif une musique zapoum-zapoum envahissante, et un abus des facilités offertes par le numérique dans une surrenchère du type "Seigneur des Anneaux".
Les passages les plus réussis se trouvent plutôt dans la première partie, qui porte sur l'enfance et l'adolescence de Temudgin, et où Sergeï Bodrov décline les saisons un peu comme dans "Jeremiah Jonhson" pour raconter l'errance initiatique du futur maître d'un demi-monde. Le personnage de Borte, qu'il rencontre à neuf ans et qui lui demande de la choisir, introduit une note romanesque dans une épopée pour le moins virile, et permet quelques scènes buccolico-familiales avec la ravissante Khulan Chuulun.
Cinématographiquement dans la norme U.S., "Mongol" se veut aussi politiquement correct, avec un Temudgin qui s'impose au milieu de l'anarchie ambiante et de l'obscurantisme par son sens de la justice, sa reconnaissance du droit des femmes et un rationnalisme prémonitoire. Quand il proclame "Les Mongols ont besoin de lois ; je les leur donnerai, même si je dois tuer la moitié d'entre eux", on ne peut s'empêcher de penser qu'appliquée à l'Irak, cette profession de foi aurait pu être signé de George W. Bush...
Moins dépaysant qu'attendu, "Mongol" n'en est pas moins une honnête super production, un aimable mélange de western et d'heroïc fantasy paradoxalement un peu languissant qui peut se laisser voir dans une distribution aussi déserte que la steppe mongole.
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