En adaptant le roman « Washington Square » de Henry James, William Wyler nous emmène à la fin du XIXème siècle suivre Catherine Sloper, une jeune fille timide qui vit dans une grande et luxueuse demeure de Washington Square en compagnie de son père, un veuf, riche, autoritaire et ne croyant pas en sa fille. Lorsqu’elle rencontre le séduisant Morris Towsend durant un bal, elle verra son père s’opposer à leur amour…
Encore une fois (après notamment « La Vipère » et « L’Insoumise »), Wyler nous livre un passionnant portrait de femme. Il nous fait suivre le personnage de Catherine, que l’on découvre d’abord timide, naïve, maladroite, manquant énormément d’assurances (comme en témoignage cette excellente scène lorsqu’elle rencontre Montgomery Clift et qu’il l’invite à danser) et étant presque incapable d’avoir des relations sociales avec d’autres personnes que sa tante puis, au contact de Morris Towsend qui se montre de plus en plus présent dans sa vie, l’aimant et étant aimé, et surtout après des rebondissements et une cruelle et dure scène avec son père, elle va peu à peu évoluer.
Wyler nous dresse ce portrait de manière intelligente, ambigue, cruelle et profonde et à l’image de cette femme, le style de son film évolue peu à peu, passant habilement de charmante et légère comédie romantique à un drame féroce et cynique. Wyler n’oublie pas non plus les autres personnages, que ce soit sa tante qui la soutient et l’aide comme elle peut, son père qui ne s’est toujours pas remis de la mort de sa femme et qui va s’opposer à ce qu’elle voit Towsend, doutant des intentions de ce dernier et bien évidemment Towsend, sur qui il laisse quand même toujours planer le doute.
La réalisation de Wyler est impeccable et même brillante. Il maitrise parfaitement sa caméra et nous offrant souvent de superbes plans et cadres, toujours bien remplis, ainsi que quelques travellings ingénieux. La reconstitution, les décors et les costumes sont impeccables, tout comme la photographie en noir et blanc. La musique est elle-aussi bien utilisée, sachant se faire oublier lorsque c’est nécessaire et vice-versa.
De la même manière qu’on ne peut détacher le personnage de Catherine à l’époustouflante composition d’Olivia de Havilland (justement récompensée par l'oscar de la meilleure actrice) qui interprète à merveille les différents sentiments de son personnage, on ne peut dissocier Towsend à Montgomery Clift, qui en est à ses débuts à Hollywood et qui est impressionnant et magnétique tout en étant d’une sobriété exemplaire. Ralph Richardson dans le rôle du père est lui aussi impeccable.
Un récit passionnant de bout en bout qui bénéficie d’une excellente réalisation, écriture et de deux grandes interprétations.